Le choix par Joe Biden de Kamala Harris comme colistière, chez nos voisins du Sud, est un évènement historique.

C’est ce constat qui prime. Parce que si on tente d’évaluer si Joe Biden a fait un choix qui l’aidera à vaincre Donald Trump, on ne peut que conjecturer.

Le caricaturiste Mike Luckovich a illustré avec finesse l’aspect marquant de cette sélection en imaginant la militante Rosa Parks (celle qui a refusé de céder sa place à l’avant d’un autobus à un passager blanc en 1955) qui félicite Kamala Harris.

Il a dessiné la candidate à la vice-présidence des États-Unis devant un autobus de campagne sur lequel son nom a été imprimé. Au ciel, Rosa Parks – morte en 2005 – regarde Kamala Harris et lui lance : « Félicitations ! J’adore ton autobus. »

Mesurer le chemin parcouru est aussi essentiel qu’encourageant. Dès janvier prochain, la vice-présidence des États-Unis pourrait être occupée par une femme noire.

Le geste fait par Joe Biden ne peut pas, non plus, être analysé hors du contexte politique actuel aux États-Unis.

PHOTO OLIVIER DOULIERY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Joe Biden saisit son masque après avoir présenté sa colistière, Kamala Harris, mercredi à Wilmington, au Delaware.

Les Américains ont porté au pouvoir il y a près de quatre ans un politicien qui a été qualifié par l’écrivain Ta-Nehisi Coates de « premier président blanc ». Donald Trump exploite la fracture raciale à des fins politiques avec un cynisme saisissant.

En sélectionnant Kamala Harris, Joe Biden renforce le message qu’il tente de véhiculer depuis le début de sa campagne : il est l’antidote à la présidence toxique de Donald Trump.

Cela dit, tenter de savoir si le choix de Kamala Harris se traduira par des votes additionnels qui lui permettront de faire mordre la poussière au ticket Donald Trump-Mike Pence est périlleux.

D’abord, il serait sage de ne pas exagérer l’importance du rôle joué par un candidat à la vice-présidence lors d’une course à la Maison-Blanche. Il est généralement secondaire et circonscrit.

Une fois retombé l’enthousiasme lié à l’annonce du choix, les projecteurs se braquent à nouveau sur le candidat à la présidence, sauf à de rares occasions. L’unique débat entre les candidats à la vice-présidence est généralement l’exception qui confirme la règle. Sans compter, bien sûr, les cas où le choix en question se révèle catastrophique : ce fut le cas en 2008 quand John McCain avait sélectionné la gouverneure de l’Alaska, Sarah Palin.

La trajectoire météorique de Kamala Harris (elle est devenue sénatrice il y a trois ans seulement et pourrait se retrouver en novembre à un battement de cœur de la présidence) ne devrait pas non plus faire oublier aux stratèges et aux partisans démocrates à quel point elle fut une piètre candidate lors de la course au leadership du Parti démocrate. Malgré son expérience et son éloquence, sa campagne n’a jamais décollé.

Est-ce que la présence de Kamala Harris sur le ticket démocrate pourrait galvaniser les électeurs afro-américains encore un peu plus ? C’est possible. Selon certaines estimations, environ 1,6 million d’électeurs noirs ayant voté pour Barack Obama en 2012 n’ont pas participé au scrutin en 2016. Leur appui pourrait être crucial en novembre.

On peut par ailleurs croire que Kamala Harris va s’acquitter avec aisance de la tâche traditionnelle du candidat à la vice-présidence : attaquer sans relâche le prétendant à la Maison-Blanche du parti adverse. C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait avec enthousiasme mercredi lorsqu’elle est apparue pour la première fois en compagnie de Joe Biden.

Cela dit, n’oublions pas que l’issue du scrutin présidentiel américain dépendra surtout de la campagne menée par Joe Biden. Et il a la fâcheuse réputation de se mettre souvent les pieds dans le plat.

Mais le choix de Kamala Harris, lui, est tout sauf une gaffe. C’est un geste inspirant, fait avec un désir d’incarner la diversité et l’évolution de la société américaine. Avec un désir d’unité, aussi, à l’image de celui qui était la marque de commerce de Barack Obama. Et par-dessus tout, avec un désir de mettre fin à l’ère Trump.

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