Le premier cas de COVID-19 au Québec a été signalé le 28 février. Quatre mois et demi plus tard, il y a encore dans le réseau de la santé des employés qui se déplacent entre zones contaminées et zones vertes.

En tout cas, c’est ce qui s’est produit à quelques (rares, nous assure-t-on) reprises à l’hôpital de Saint-Jérôme, qui fait actuellement face à une importante vague de contagion.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Intervention d'une ambulancière à Terrebonne en mars dernier

Plus de 150 employés et patients y ont été infectés depuis un mois. Les causes de cette contamination sont vraisemblablement multiples, mais la direction de l’hôpital admet ne pas avoir réussi à respecter entièrement la règle sanitaire numéro 1 : la séparation étanche entre les zones infectées et le reste de l’établissement.

À cette étape de l’épidémie, c’est plus que consternant. La situation ne peut pas être imputée uniquement à la vétusté de l’hôpital.

Comme le rappelle l’épidémiologiste Benoit Mâsse, cette séparation étanche des zones froides et chaudes a pu être implantée en Afrique de l’Ouest lors de l’épidémie d’Ebola, dans des pays où l’on aurait regardé l’hôpital de Saint-Jérôme comme un modèle de modernité !

L’autre raison, ce sont les pénuries de personnel qui ont placé des secteurs de l’hôpital au bord de la rupture de services. En toute transparence, le directeur adjoint des soins physiques de l’hôpital de Saint-Jérôme, Sylvain Pomerleau, a reconnu qu’exceptionnellement, de telles situations ont obligé l’hôpital à se résoudre à ces transferts de personnel susceptibles d’accélérer la contagion.

Combien d’autres hôpitaux sont susceptibles de vivre encore aujourd’hui des situations semblables ?

La question est importante car la situation de l’hôpital de Saint-Jérôme ne concerne pas uniquement les Laurentides. Elle préfigure de ce qui pourrait arriver un peu partout au Québec en cette période estivale marquée par deux phénomènes. Les déplacements des vacanciers qui ont besoin d’une grande bouffée d’air après plus de deux mois de confinement. Et le besoin de vacances tout aussi important chez le personnel médical éprouvé par le stress des derniers mois.

D’un côté, les voyages qui augmentent le risque de contagion. De l’autre, des congés qui augmentent le risque de pénurie de personnel. Il y a là les ingrédients d’une tempête parfaite. Car pendant ce temps, le virus, lui, ne prend pas de vacances.

L’été risque d’être marqué par des rebonds régionaux de la première vague de contagion, avait averti dès le printemps l’ex-présidente de Médecins sans frontière Joanne Liu. Les régions sont-elles prêtes à faire face à ces sursauts épidémiques ?

Le ministère de la Santé planche fort sur deux mesures importantes qui aideraient à contenir les futures éclosions. Au cours de l’été, des équipes d’urgence, ce qu’on a appelé les « swat teams », pourront être mises sur pied au sein des CISSS et CIUSSS de la province.

Déjà, 800 personnes suivent une formation pour faire partie de ce corps d’élite en matière de prévention d’infections. Elles pourront être déployées dans des centres de soins, des centres jeunesse mais aussi, si nécessaire, dans des hôpitaux infectés.

Chaque section de chaque établissement aura aussi son « champion » anti-COVID : une personne mandatée de superviser toutes les procédures de prévention des infections. Ici aussi, quelque 4000 futurs « champions » sont déjà en formation. Tout ce beau monde devrait être prêt à entrer en fonction d’ici la fin de l’été.

Au fait, concrètement, à quoi peuvent servir ces « swat teams » ? L’hôpital de Saint-Jérôme, qui a reçu la visite d’une équipe du Centre universitaire de santé McGill en a eu un avant-goût ces derniers jours.

Instruite par sa propre expérience de lutte contre le coronavirus, l’équipe a conseillé à l’hôpital des Laurentides de vider et de désinfecter une aile entière de l’établissement. Mesure radicale visant à éradiquer le virus de cette zone fortement infectée…

L’accalmie actuelle est fragile, et ces préparatifs sont autant de signaux encourageants laissant espérer que tout le réseau de la santé, incluant celui des régions, sera mieux armé pour faire face aux futures attaques du coronavirus.

Durant la première phase de la pandémie, le Québec a été longtemps à la remorque de ce virus méconnu, réagissant à ses ravages coup sur coup à mesure qu’ils se présentaient.

Tout l’enjeu, maintenant, est d’agir plus en amont. De courir plus vite que ce virus imprévisible. Et d’être prêt à le prendre de front, peu importe où il frappera.

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