Ce n’est pas bien étonnant, quand on y pense, que le ministre fédéral le plus réticent à prolonger la mission des militaires dans les CHSLD du Québec soit lui-même… un militaire.

Car plus on creuse cette histoire, plus on comprend qu’à l’origine de cette chicane entre Ottawa et Québec, il existe une sorte de différend culturel sur le rôle des soldats.

Sans tout expliquer, cette dichotomie oppose d’un côté les civils, qui estiment que l’armée a un rôle de protection et de défense des Canadiens : pourquoi pas en CHSLD, donc ?

Et de l’autre, il y a de nombreux militaires qui soutiennent qu’ils n’ont pas à remédier aux carences du système de santé. Que leurs compétences sont sous-utilisées au chevet des aînés. Bref, qu’ils n’ont pas à changer des couches.

Voilà ce qui se cache derrière l’arrogance affichée par le ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, qui a déclaré que les provinces qui demandent la prolongation de l’opération Laser « ne comprennent pas tout à fait comment l’armée fonctionne ».

Voilà ce qui se cache derrière la résistance obstinée de cet ancien lieutenant-colonel qui « ne veut rien savoir » de garder les soldats dans les résidences pour aînés du Québec et de l’Ontario, selon le collègue Joël-Denis Bellavance.

Voilà, enfin, ce qui se cache derrière les arguments alambiqués qu’il sert pour justifier un retrait des soldats dès la semaine prochaine, malgré les immenses besoins qui persistent.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

« À l’origine de cette chicane entre Ottawa et Québec, il existe une sorte de différend culturel sur le rôle des soldats », constate François Cardinal.

Un jour, la présence militaire n’est pas « une solution à long terme ». Le lendemain, le personnel de l’armée est insuffisant et il faut prendre soin de la vingtaine de soldats infectés. Et les jours suivants, ces derniers doivent « se préparer » à la saison des incendies de forêt, aux inondations potentielles au pays et à d’autres missions à l’international.

On ne doute pas que la présence des militaires, surtout les ressources médicales spécialisées, pose des problèmes de logistique aux Forces armées. On ne doute pas qu’il y ait des défis ailleurs, des missions à relever, des menaces à contrer.

Mais ce qui semble néanmoins accrocher en priorité, c’est le fait qu’« au Canada, nos militaires ne devraient pas prendre soin de nos aînés », comme l’a résumé de manière claire Justin Trudeau. Une phrase que se répètent d’ailleurs plusieurs membres des Forces depuis le début de leur présence au Québec.

Il suffit de lire le site d’information 45eNord.ca, qui se spécialise dans les questions militaires, pour s’en convaincre*. Un texte signé par « la rédaction » il y a quelques jours précise tout haut ce que plusieurs soldats pensent tout bas : « Il ne faudrait pas que les Forces armées canadiennes deviennent la bonne à tout faire d’autorités civiles trop souvent dépassées. »

Peut-être vrai.

Mais cela fait tout de même partie de leur travail de porter assistance aux Canadiens en danger, non ? Leur mission est de sauver des vies, n’est-ce pas ? Et en temps de crise, il est de leur devoir de répondre à l’appel, non ? Et ce, que le besoin se fasse sentir à l’étranger… ou ici même.

Si François Legault s’était assis sur ses mains ces derniers mois en se montrant satisfait de la présence militaire, on comprendrait la réticence de l’armée. Mais on a tous entendu ses appels à tout ce que le Québec compte d’effectifs potentiels. On a noté sa volte-face sur l’immigration. Et on a vu sa décision récente de hausser les salaires et de raccourcir la formation des préposés pour régler le problème au plus vite.

Est-ce vraiment trop demander à l’armée de prolonger son séjour pour l’été seulement, le temps d’avoir de l’aide ?

Chaque jour depuis le début de l’opération Laser, la présence des militaires est applaudie. Ils font certainement partie des héros de la pandémie. Et leurs partenaires civils n’en finissent plus de saluer leur dévouement, leur rigueur et leur éthique de travail, selon le rapport signé par cette même armée ces derniers jours.

Voilà une occasion de valoriser le rôle des soldats canadiens, de démontrer leur utilité et de faire valoir leurs compétences, autant de choses qui se font habituellement à l’étranger. Voilà surtout une bonne occasion de mettre leur expertise au profit des gens d’ici.

*Lisez l’article de 45eNord.ca

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