Au début de la crise, on pouvait comprendre.

Il y avait pénurie de masques. On souhaitait les réserver aux employés du réseau de la santé. Et on ne savait pas ce qu’on sait maintenant sur la transmission du coronavirus.

Mais aujourd’hui ? Y a-t-il quelqu’un qui comprend la réticence du gouvernement Legault à recommander enfin le port du masque aux citoyens ? Y a-t-il quelque chose qui échappe à Québec ?

Y a-t-il un manque d’humilité qui justifie qu’on refuse de renverser la décision initiale de ne pas conseiller le port du masque ?

Disons-le, c’est tout à fait incompréhensible.

À Ottawa, la grande patronne de la santé publique au fédéral, la Dre Theresa Tam, a osé reculer lorsqu’elle a constaté l’évolution des connaissances scientifiques. Elle a marché sur son orgueil et elle a dit ce que disent les experts un peu partout dans le monde : le masque grand public est fort utile dans les situations où il est difficile de respecter une distance d’au moins deux mètres, comme à l’épicerie et dans les transports collectifs.

C’est la recommandation de l’Académie nationale de médecine en France. C’est aussi celle des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis et de l’Institut Robert Koch, établissement de référence en santé publique en Allemagne. C’est, en outre, une obligation en Autriche, au Chili, en Israël et dans plusieurs autres pays. Et ça le sera bientôt à New York, à Nice et dans un nombre incalculable de villes où le déconfinement se prépare.

PHOTO ANGELA WEISS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le port du masque sera bientôt obligatoire à New York.

Mais au Québec ? On n’en parle toujours pas. Curieusement.

Comme si on était pris avec une recommandation initiale qu’on se refusait de renverser. Comme si on n’avait pas pris connaissance des plus récentes études qui montrent que le port d’un simple tissu au visage a contribué à réduire le taux de reproduction de la COVID-19 à Taiwan, à Singapour et en Corée du Sud.

À la lumière des dernières conclusions scientifiques, la Dre Caroline Quach-Thanh, microbiologiste-infectiologue et épidémiologiste au CHU Sainte-Justine, ne comprend d’ailleurs pas que le Québec demeure aussi réfractaire au masque non médical.

« Le masque seul n’est pas suffisant pour protéger celui qui le porte, puisque le virus peut aussi s’attraper notamment par le contact des mains, les yeux, etc., explique-t-elle. Mais il est maintenant prouvé que le masque diminue le risque qu’une personne qui a la COVID-19, avec ou sans symptômes, contamine son environnement en retenant les gouttelettes qu’elle produit. »

« Ça justifie le port du masque dans la communauté, conclut-elle, surtout quand on sait que 50 % des gens infectés par le virus sont asymptomatiques. C’est la seule façon de couper la transmission ! »

Et pourtant, on attend encore que le directeur de santé publique du Québec, Horacio Arruda, en dise autant.

Qu’il en arrive publiquement à la même conclusion : le masque, même le plus artisanal, constitue une barrière efficace à la transmission de l’infection.

Et ça urge. Comme le montrent les initiatives des employés de services essentiels qui ne travaillent pas dans le réseau de la santé : ils doivent eux-mêmes demander aux citoyens de se masquer !

C’est ce qu’a fait le syndicat des chauffeurs d’autobus de la STM, par exemple, parce qu’il se sent laissé à lui-même. Il a ainsi diffusé une publicité à ses frais où il invite les usagers à porter leur « masque maison » pour protéger la santé de tous ceux qui se trouvent dans les transports en commun.

À la veille du déconfinement graduel, le Dr Arruda devrait avoir l’humilité d’avouer qu’il a sous-estimé les avantages et surestimé les inconvénients : on le sait grâce aux données aujourd’hui disponibles.

On l’a compris sur le tard, mais on l’a maintenant compris : le port du masque en public ne remplace pas le maintien d’une saine distance, mais il permet de limiter la propagation de l’épidémie.

Qu’attend le Québec, au juste, pour en faire une recommandation officielle, voire une obligation dans certaines situations données ?

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