Alors que la quarantaine prend fin, les questions difficiles commencent à peine.

« Des mesures chaotiques, complètement inadéquates. » « Des efforts insuffisants. » « Un cauchemar. »

Les termes de désapprobation n’ont pas manqué au cours des derniers jours pour décrire la quarantaine imposée par le Japon aux 3711 personnes qui étaient à bord du Diamond Princess afin de contenir la propagation du coronavirus COVID-19. Ils ont été respectivement prononcés par un expert japonais en infectiologie qui a visité le paquebot. Le gouvernement américain. Et nombre de passagers.

PHOTO MAYUKO ISOBE, ASSOCIATED PRESS

Le Diamond Princess dans le port de Yokohama, près de Tokyo

Cette quarantaine éprouvante est maintenant terminée. Près de 200 Canadiens qui étaient à bord, évacués par le gouvernement, ont atterri vendredi à Trenton, en Ontario, où ils devront subir une autre période de confinement. 

Pendant ce temps, 47 Canadiens infectés par le virus sont traités dans des hôpitaux japonais. Certains de leurs proches et une vingtaine de professionnels déployés par le gouvernement canadien sont à leurs côtés. Pour le moment, l’état de santé des Canadiens touchés n’est pas critique. Et on croise les doigts pour qu’ils puissent rentrer bientôt au bercail.

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Alors que la quarantaine sur le paquebot passe de cauchemar à mauvais souvenir pour tous ceux qui étaient confinés à bord depuis le 3 février, les questions à l’égard de cette mesure ne font que commencer. Et elles sont toutes plus inquiétantes les unes que les autres. Y répondre ne sera pas plaisant ni pour le Japon ni pour la compagnie Carnival Princess, propriétaire du bateau, mais l’exercice est incontournable.

On peut d’abord demander si la quarantaine à bord du paquebot a fait plus de tort que de bien.

Hier, le nombre des personnes infectées au cours des deux dernières semaines a atteint 634, ce qui en fait le deuxième foyer de transmission après Hubei, en Chine. Le Japon a confirmé que deux des passagers, âgés respectivement de 84 et 87 ans, ont succombé à la maladie.

On peut aussi remettre en cause la décision de laisser les gens à bord du bateau plutôt que d’organiser une quarantaine sur la terre ferme, que ce soit dans une base militaire ou dans un hôtel. Plusieurs experts disaient pourtant qu’un bateau de croisière était un espace trop restreint pour qu’un tel exercice soit efficace.

A-t-on fait passer la peur avant la raison en n’organisant pas une évacuation plus rapide vers la terre ferme ?

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Cependant, les questions les plus dérangeantes concernent non pas les 2660 passagers du paquebot, qui ont passé la plus grande partie des deux dernières semaines enfermés dans leurs cabines, mais bien l’équipage composé de 1045 personnes qui ont dû continuer à assurer le service sur le bateau de croisière pendant la quarantaine, et ce, même si plusieurs étaient morts de trouille et se sentaient bien mal équipés pour faire face au virus. Au moins 33 d’entre eux sont maintenant infectés.

De quel droit a-t-on pu leur imposer une telle charge ? Pourtant, dans une telle situation, les autorités responsables doivent expliquer clairement les risques aux travailleurs et les laisser libres d’accepter le travail ou non.

Un long article du magazine Time, publié le 17 février et pour lequel plusieurs membres de l’équipage ont été interrogés, laisse entendre qu’ils n’ont pas eu un tel choix.

Dans un communiqué du gouvernement japonais qui a été envoyé aux médias jeudi et dans lequel les autorités tentent de défendre les mesures prises sur le Diamond Princess, on fait mention de « l’équipage qui s’est autosacrifié ». Une expression qui donne froid dans le dos.

Dans ce même communiqué, le Japon affirme avoir donné des « formations à presque tous les membres de l’équipage » et s’être assuré que des mesures sanitaires adéquates avaient été mises en place pour ces derniers. Cependant, ces explications vont à l’encontre de ce que les employés du Diamond Princess ont décrit : des repas pris ensemble, des salles de bains partagées, des précautions qui ont été imposées après 10 jours de quarantaine. Tout ça sent le « deux poids, deux mesures » pour le personnel, d’un côté, et les passagers, de l’autre.

Heureusement pour les membres de l’équipage qui ne sont pas infectés, ils auront droit à deux mois de congé payé, une mesure annoncée par l’entreprise de croisière au milieu de la quarantaine. La plupart d’entre eux sont en route vers leur pays d’origine, que ce soit les Philippines, l’Indonésie, l’Inde, la Thaïlande, la Russie ou l’Ukraine. De là, ils attendront les réponses qu’ils méritent de la part du Japon et de leur employeur et qui devront venir.

Mais entre-temps, le plus important est de tirer des leçons de cette situation hors norme.

Dans la gestion de l’éclosion du coronavirus à l’échelle mondiale, c’est de connaissance, de savoir-faire, de sang-froid, de collaboration, de respect des droits de l’homme et d’empathie que la planète entière a actuellement besoin. Pas de désigner des coupables à la va-vite. Ça viendra au moment opportun.

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