On a vu les effets concrets de la polarisation politique croissante du pays, mardi, à la Chambre des communes.

D’un côté, un premier ministre d’une grande mollesse, sans plan de sortie de crise, qui a donné un sentiment d’impunité à des autochtones à qui il semble prêt à tout pardonner.

Et de l’autre, un chef de l’opposition qui ridiculise l’idée même d’un « dialogue », prêt à toute violence pour déplacer les « activistes radicaux » qui ne lui inspirent manifestement que du mépris.

Comme si les élus devaient nécessairement choisir leur camp : les Premières Nations « ou bedon » l’économie du Canada.

C’est d’ailleurs en ces mots qu’a réagi le chef du Bloc québécois, qui s’est présenté mardi comme la voix de la modération lors d’un débat qui en manquait cruellement.

Yves-François Blanchet est en effet le seul chef, mardi, à s’être élevé au-dessus de la partisanerie.

Le seul à ne pas avoir tenté de se faire du « capital politique » sur le dos des autochtones. Le seul, en fait, à avoir semblé comprendre l’importance des enjeux… des deux côtés des barricades.

Et ce, tout en appelant à « une nécessaire et urgente levée des obstructions », comme l’a fait François Legault mardi.

Le discours du chef du Bloc, livré sans notes, loin de la cassette de Justin Trudeau, à des années-lumière de l’agressivité d’Andrew Scheer, était empreint à la fois d’empathie et de raison.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet

Empathie pour les autochtones, d’abord, qu’il a appelé « à ne pas juger ». Il a vertement critiqué le chef de l’opposition pour son attitude belliqueuse qui trace une ligne entre « les bandits » qui manifestent et « les gentils » qui pensent comme lui.

« Qui sommes-nous pour juger ? » a-t-il lancé, avant de rappeler que le modèle de gouvernance autochtone qui rend difficile toute solution à la crise actuelle est né avec la Loi sur les Indiens que nous leur avons imposée en 1876 du haut « de notre grande supériorité blanche ».

« Il faudra s’ouvrir à la différence culturelle profonde et fondamentale plutôt que d’imposer grossièrement, à coups de poing sur les pupitres, nos valeurs à nous. Les Premières Nations ont droit à leur différence », a-t-il rappelé avec justesse.

M. Blanchet a donc fait preuve d’empathie, mais aussi de raison lors de son discours.

Plutôt que de s’en tenir à une déclaration de principe comme l’a fait Justin Trudeau, M. Blanchet a alors proposé une solution : la suspension temporaire des travaux de construction du gazoduc Coastal GasLink, « en échange de quoi on pourrait demander en toute légitimité aux gens des Premières Nations de lever les différentes barricades », le temps d’échanger pour dénouer la crise. Une idée d’autant plus pertinente qu’un des enjeux est le tracé du projet qui traverse le territoire ancestral des Wet’suwet’en, en Colombie-Britannique.

Voilà qui est plus approprié que les contradictions et les appels vides au « partenariat » de Justin Trudeau. Mardi, par exemple, ce dernier a répété que nous sommes dans un État de droit, tout en ajoutant que « les dirigeants » n’avaient pas à « ordonner à la police d’arrêter les gens ».

Voilà qui est plus approprié, aussi, que les appels à une intervention musclée urgente et les exagérations d’Andrew Scheer. Mardi, il a soutenu que la réponse de M. Trudeau était « la plus faible jamais entendue face à une crise nationale dans l’histoire du Canada »…

La proposition du Bloc a en outre le mérite de tenter de dénouer une impasse qui a trop duré plutôt que de servir à marquer des points contre son adversaire.

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