Les avions remplis d’étudiants étrangers qui se posent au Québec sont de plus en plus nombreux. Ces mêmes avions repartent avec très peu d’étudiants québécois à leur bord. On pourrait presque parler de trafic à sens unique. Malheureusement.

« Pour dix étrangers qui viennent étudier chez nous, il y a un seul Québécois qui va étudier ailleurs », constatait cette semaine le recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton, lors d’une rencontre éditoriale à La Presse. Il souhaite voir plus d’étudiants québécois prendre le large pendant leurs études. Et il a bien raison.

Selon des chiffres diffusés par le Bureau canadien d’éducation internationale, tout juste 2,3 % des étudiants universitaires canadiens se rendent à l’étranger chaque année. La statistique remonte à 2015, mais reste assez stable d’une année à l’autre. Pendant ce temps, les étudiants étrangers représentaient à l’automne 2019 près de 22 % des inscriptions dans les universités québécoises.

À la fin de leurs études, tout juste 11 % des étudiants canadiens ont une expérience internationale, alors que dans plusieurs pays européens, dont la France et l’Allemagne, ce pourcentage frôle les 30 %.

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Cet écart est inquiétant. Plusieurs études réalisées par l’Union européenne permettent de montrer les bénéfices nets des études à l’étranger : meilleure employabilité des diplômés et salaires plus élevés, plus grande facilité à collaborer avec des gens de divers horizons, plus grande capacité à l’innovation, ouverture accrue sur le monde, accès à un réseau international.

Voilà ce qui est ressorti de sondages auprès de 77 000 étudiants qui ont pris part à Erasmus, un grand programme d’échange universitaire mis sur pied par l’Union européenne en 1987 et auquel plus de 10 millions de jeunes Européens ont participé. Ils ont fréquenté d’autres universités européennes, mais aussi des universités des quatre coins du monde.

Au Québec, c’est le film L’auberge espagnole du réalisateur français Cédric Klapisch qui a le plus contribué à faire connaître ce programme. Cet hommage cinématographique à la génération Erasmus a fait rêver beaucoup de jeunes d’ici, attirés autant par des études dans un autre pays et dans une autre langue que par les amitiés fortes qui ressortent de ce genre d’expérience immersive.

PHOTO GRETCHEN ERTL, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

« Les avions remplis d’étudiants étrangers qui se posent au Québec sont de plus en plus nombreux, mais ces mêmes avions repartent avec très peu d’étudiants québécois à leur bord », constate notre éditorialiste.

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Alors, pourquoi si peu le font ? Tout indique que le manque de financement est le principal problème.

Du moins, c’est ce que conclut un rapport du Groupe d’étude sur l’éducation mondiale publié en 2017.

C’est vrai que les coûts pour un étudiant québécois qui veut passer un trimestre à Barcelone sont plus élevés que pour un étudiant français, qui peut prendre un vol à 30 euros de Ryanair. Mais ça ne coûte pas une fortune non plus. Grâce aux multiples ententes qu’ont conclues nos universités avec des centaines d’universités dans le monde, les droits de scolarité restent les mêmes la plupart du temps. Les options d’hébergement bon marché existent pour les étudiants dans presque toutes les grandes villes du monde.

L’argent est le principal facteur, mais il n’est pas le seul. Les étudiants canadiens sondés d’un océan à l’autre notent que leur curriculum universitaire manque de flexibilité et qu’il est difficile de faire reconnaître les crédits d’étude obtenus à l’étranger. Plusieurs s’inquiètent aussi d’allonger leurs études.

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Conscient du manque d’internationalisation des étudiants universitaires canadiens, le gouvernement fédéral vient de mettre sur pied un programme pilote pour financer les projets de 11 000 étudiants qui voudraient passer du temps dans une université à l’étranger au cours des cinq prochaines années.

Les premiers concours devraient être lancés bientôt par les organismes qui vont administrer ces fonds, dont Universités Canada. C’est une bonne nouvelle, mais c’est encore à petite échelle considérant le retard du pays en la matière. Il y a 1,4 million d’étudiants universitaires au pays. Une toute petite proportion de ceux-là aura accès aux nouvelles bourses.

Espérons que ce programme pilote sèmera l’idée dans la tête de beaucoup d’étudiants d’ici, mais aussi dans celles du gouvernement du Québec et des entreprises privées. Tout ce beau monde pourrait contribuer à l’élargissement d’un Erasmus à la sauce québécoise et en recueillir les bienfaits.

Dans un monde de plus en plus globalisé et dans un Québec pluriel, ce ne serait pas du luxe de permettre à nos jeunes d’ouvrir leurs horizons et de lancer leur carrière en faisant valoir leurs compétences internationales. Et en plus, ils risquent d’avoir beaucoup de plaisir.

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