Alors que leur pays est frappé par une épidémie qui a poussé jeudi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à déclarer une « urgence de santé publique de portée internationale », certains Chinois parlent… de Tchernobyl.

Où est le rapport ?

En 1986, quand un des réacteurs nucléaires de la centrale de Tchernobyl a explosé, l’une des premières victimes a été la vérité.

À la fin de l’année 2019, quand le nouveau coronavirus a commencé à faire des ravages à Wuhan, l’une des premières victimes a aussi été la vérité.

Bradley A. Thayer et Lianchao Han, deux experts établis aux États-Unis, ont également fait la comparaison cette semaine entre le coronavirus et Tchernobyl.

PHOTO KIN CHEUNG, ASSOCIATED PRESS

Passagers du métro de Hong Kong, mercredi

Les docteurs de Wuhan ont rapporté l’existence d’un premier malade contaminé par le virus le 8 décembre dernier, mais « les autorités n’ont pas alerté le public avant le 30 décembre, perdant ainsi une précieuse fenêtre de trois semaines pour contrôler la propagation du virus », ont-ils expliqué dans un texte publié par le site d’information The Hill.

Non seulement les autorités n’ont pas alerté le public, mais elles ont sanctionné ceux qui tentaient de le faire ! 

On a appris que huit personnes avaient été arrêtées après l’apparition du virus pour avoir colporté des rumeurs au sujet de la maladie. Il s’agirait, semble-t-il, de médecins qui tentaient simplement de sonner l’alarme. Parallèlement, des journalistes qui cherchaient à expliquer ce qui se passait auraient été menacés.

Lors de la crise du SRAS, qui a aussi durement frappé la Chine en 2002 et 2003, Pékin a tenté d’étouffer l’affaire et vécu longtemps dans le déni.

Ainsi font, généralement, les régimes autoritaires…

Ils préfèrent le mensonge à la vérité. Ils luttent contre la liberté d’expression, car ils aiment mieux la censure. Et ils privilégient l’oppression plutôt que la liberté.

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La bonne nouvelle, c’est que les autorités chinoises viennent de cesser de se mettre la tête dans le sable. Après avoir fait preuve d’aveuglement volontaire pendant quelques semaines face au coronavirus, elles semblent dorénavant avoir compris qu’elles devaient tirer des leçons du douloureux épisode du SRAS.

Ne l’oublions pas, les régimes autoritaires sont avant tout guidés par leur instinct de survie. La Chine a donc changé de cap au début du mois de janvier. Elle a commencé à transmettre des informations substantielles au sujet du virus et à lutter contre l’épidémie avec vigueur.

Ultime symbole de ce revirement : les images montrant, il y a quelques jours, des dizaines d’excavatrices à Wuhan sur le site d’un futur hôpital de 1000 lits. Ce chantier frappe l’imagination. L’établissement sera construit en 10 jours !

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La Chine a lancé vendredi dernier à Wuhan
la construction en 10 jours d’un hôpital temporaire
destiné à accueillir un millier de patients. Ici, le 24 janvier...

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...ici, le 30 janvier.

Le directeur des programmes d’urgence à l’OMS, Michael Ryan, a soutenu jeudi qu’il est désormais important de donner au gouvernement chinois le mérite qui lui revient. « Ils prennent des mesures exceptionnelles face à un défi exceptionnel », a-t-il affirmé.

Hier, le directeur général de l’OMS a renchéri. « Je n’ai jamais vu de toute ma vie une telle mobilisation », a dit Tedros Adhanom Ghebreyesus.

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Tant mieux si on a rectifié le tir à Pékin. Cela dit, même lorsque vous tentez de chasser le naturel, vous n’y parvenez jamais complètement.

À preuve : cette semaine à Washington, même si on a loué les efforts de la Chine avec un réel enthousiasme, on a souligné que le pays n’est pas encore assez transparent au sujet de l’épidémie. 

Par exemple, Pékin n’a pas encore fourni les données selon lesquelles les malades seraient contagieux avant que les premiers symptômes n’apparaissent. La Chine a par ailleurs refusé à deux reprises d’accueillir des experts américains des Centers for Disease Control and Prevention avant de transmettre une invitation en bonne et due forme mercredi.

Visiblement, il y a encore place à l’amélioration en matière d’ouverture et de collaboration.

La Chine n’est pas encore à l’abri d’un fiasco. Elle semble avoir réalisé qu’en fonçant tête baissée et en ayant recours aux bonnes vieilles méthodes privilégiées par les régimes autoritaires, elle aurait perdu la face. Ce qu’elle veut éviter à tout prix.

Mais ses prochaines décisions seront néanmoins déterminantes.

L’avenir nous dira si le pays a redressé la barre assez vite et de façon assez ferme pour éviter qu’on raconte un jour l’histoire du drame de Wuhan en montrant du doigt l’aveuglement volontaire d’une dictature négligente.

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