Un immense concert à la porte de Brandebourg. Une cérémonie au cours de laquelle Angela Merkel reçoit ses vis-à-vis des anciens pays de l’Est. Des projections 3D dans sept lieux liés à la réunification des deux Allemagnes.

Pour le 30e anniversaire de la chute du mur de Berlin, aujourd’hui même, l’Allemagne n’a pas lésiné sur les moyens. Un festival a débuté lundi dernier dans la capitale et des activités auront lieu pendant plusieurs mois. On ne peut pas cependant parler d’une fête. Disons plutôt une commémoration.

Lorsqu’il a annoncé le programme de cet anniversaire, le sénateur berlinois responsable de la Culture et de l’Europe, Klaus Lederer, a bien résumé l’atmosphère qui règne dans le pays. « Pour plusieurs, l’ère qui a suivi la chute du mur n’a pas amené que de nouvelles libertés, elle a aussi suscité de nouvelles inquiétudes et de nouvelles peurs. C’est le temps de regarder ces aspects déconcertants lorsque nous pensons aux années 1989 et 1990 », a dit le politicien de gauche en février dernier.

Dans les mois qui ont suivi, son constat a été renforcé par l’ascension de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite, lors d’élections régionales dans deux régions de l’ancienne Allemagne de l’Est. Le parti a obtenu 22,5 % des votes dans le Brandebourg et 27,5 % en Saxe, soit de deux à trois fois plus de soutien qu’en 2014.

Les leaders de l’AfD ont notamment instrumentalisé l’arrivée accrue de migrants et de réfugiés depuis 2015, et ce, même si ces nouveaux arrivants se sont peu installés dans l’ancienne République démocratique allemande (RDA), préférant les grandes villes de l’ouest du pays.

PHOTO FABRIZIO BENSCH, REUTERS

Célébrations devant la porte de Brandebourg, vendredi soir à Berlin

Un récent rapport commandé par le gouvernement montre aussi une grande désillusion parmi ceux qui vivent en ex-RDA. Plus de 57 % disent avoir l’impression d’être des citoyens de seconde classe. L’exode vers l’Ouest est toujours une réalité malgré la disparition du mur. Ouch. Facile dans ce contexte de voir le verre à moitié vide.

Ce serait cependant oublier les pas de géant des 30 dernières années : les investissements monstres pour la reconstruction de l’Est qui était en piteux état après l’effondrement du communisme et qui a maintenant rattrapé l’Ouest économiquement à 75 %, la réingénierie d’un système politique entier que dirige d’une main de fer dans un gant de velours une Angela Merkel née à l’Est, la réinvention d’une capitale. Berlin a su renaître de ses cendres pour la deuxième fois en 50 ans pour devenir un centre névralgique de la culture et de la contre-culture. Une capitale du cool.

Et malgré ce travail gigantesque accompli en trois petites décennies, les Allemands sont capables de se regarder dans le miroir et d’identifier les problèmes restants.

Les vieilles traces de nazisme qui ternissent encore d’importants pans de la société, dont la police. Les éclats d’antisémitisme et de xénophobie qui coûtent des vies. Les autorités les dénoncent et les montrent du doigt.

PHOTO GÉRARD MALIE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le mur de Berlin le 10 novembre 1989

Considérant toutes ces initiatives, pourquoi l’Allemagne n’a-t-elle pas droit à un beau succès tout lisse où rien ne retrousse ? Parce que les processus de réunification, de réconciliation et de reconstruction prennent du temps. Parlez-en à l’Afrique du Sud post-apartheid. Parlez-en à tous ceux, chez nous, qui travaillent actuellement à la réconciliation entre Blancs, Inuits et Premières Nations.

Pour deux pas en avant, il y a souvent un pas en arrière. L’important, c’est de continuer de pousser dans la bonne direction. De s’arrêter parfois pour faire un pas de côté et observer le chemin parcouru et celui qu’il reste à faire.

C’est exactement ce que fera l’Allemagne aujourd’hui avec une commémoration qui prendra plus la forme d’une introspection que d’une fête. À notre époque où des forces politiques nous invitent à jeter rapidement le bébé avec l’eau du bain, nous nous devons de saluer les efforts allemands. Puissent-ils rester constants.

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