Il faut avoir un peu de foi pour applaudir le rebrassage de structures en environnement annoncé par le gouvernement Legault.

Jeudi dernier, les caquistes ont déposé un projet de loi pour abolir deux organismes indépendants : le Conseil de gestion du Fonds vert et Transition énergétique Québec. Le premier servait à superviser les dépenses du principal fonds voué à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le second gérait les programmes en efficacité énergétique.

Le Fonds vert deviendra le Fonds d’électrification et de changements climatiques, dorénavant entièrement géré par le ministère de l’Environnement. Et Transition énergétique sera intégrée au ministère de l’Énergie. C’est donc une centralisation et possiblement aussi une politisation.

Ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Cela pourrait aider ou nuire. Tout dépendra du ministre de l’Environnement, Benoit Charette. 

Il devra être ouvert avec les scientifiques qui le conseilleront et ferme avec les autres ministres qui proposeront des projets trop polluants.

Soyons charitables. Hier, M. Charette a montré qu’il peut faire preuve d’initiatives concrètes et efficaces en annonçant un programme de récupération des électroménagers. Ces appareils émettent des hydrofluorocarbures, un puissant gaz à effet de serre.

En dépensant en moyenne près de 9 millions par année, Québec croit obtenir une réduction annuelle de GES équivalente au retrait de 60 000 véhicules. Les libéraux planchaient sur un projet de règlement similaire, mais ils n’ont pas eu l’audace de l’appliquer, probablement par crainte d’indisposer les commerçants.

Si M. Charette a davantage de contrôle sur le fonds, cela pourrait mener à des initiatives heureuses comme celle sur les électroménagers. Reste que de nombreuses interrogations demeurent avec sa réforme du Fonds vert et l’abolition de Transition énergétique.

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette

Pourquoi abolir ces contre-pouvoirs ? M. Charette répond qu’ils étaient inefficaces. Il veut les remplacer par l’expertise et la transparence. Il formera un comité d’experts scientifiques pour le conseiller, dont les rapports seront rendus publics. À cela s’ajoutera le rapport annuel que le commissaire au Développement durable rendra sur le nouveau fonds.

La logique du ministre : s’il ignore l’avis des scientifiques et s’il dépense mal l’argent du Fonds, alors le public le saura et il en paiera le prix politique. Le problème, c’est que c’est déjà ce qui se passe depuis des années !

Les rapports critiques se succèdent sans que les ministres de l’Environnement soient trop embêtés.

Pourtant, le Fonds vert représente une cagnotte considérable. Alimenté par les revenus de la taxe sur l’essence et du marché du carbone, il vaut plus de 1 milliard de dollars. L’argent doit servir à financer la lutte contre les changements climatiques. Mais des dépenses loufoques ont été autorisées, comme de payer… les intérêts sur les travaux routiers. On a ainsi financé le problème qu’on prétend combattre.

En coulisses, on raconte que les fonctionnaires des différents ministères se battaient pour ces sommes précieuses, surtout lors des compressions budgétaires. C’était alors le règne de l’arbitraire et des batailles de coulisses. Pour y mettre fin, les libéraux avaient créé le conseil de gestion en 2016. Mais ce conseil n’a jamais été accepté par la fonction publique qui rechignait à lui rendre des comptes. La même méfiance régnait entre Transition énergétique et le ministère de l’Énergie.

Comment croire que ces dépenses arbitraires et ces « guéguerres » disparaîtront avec la réforme du gouvernement caquiste ? Il faudra que les ministres de l’Environnement et de l’Énergie soient particulièrement visionnaires et déterminés.

Le projet de loi ferait de M. Charette le « conseiller » du gouvernement pour la crise climatique. Se battrait-il contre un projet incompatible avec la cible de réduction des GES ? Jeudi dernier, il refusait de l’envisager. Son rôle, dit-il, sera plutôt « d’accompagner les promoteurs » afin d’en minimiser les impacts. Il a même qualifié le troisième lien de projet de « développement durable » et montre un préjugé favorable au projet de gaz naturel liquéfié à Saguenay.

Deux éléments seront à suivre lors de l’étude du projet de loi.

D’abord, M. Charette promet que le nouveau fonds servira aussi au développement économique et à l’adaptation aux changements climatiques. Se mettra-t-on à financer des entreprises et à payer des travaux déjà prévus par d’autres ministères ?

Ensuite, on ignore quelle part du nouveau fonds ira aux transports.

Même si le Fonds vert a été sévèrement critiqué, il avait le mérite de financer les transports, surtout collectifs (66 % de l’enveloppe était consacrée à cette fin). Cette cible n’apparaît plus dans la nouvelle version du fonds. Et malgré ses promesses, le gouvernement caquiste investit plus en transport routier qu’en transports collectifs.

Reste que même si M. Charette assainissait la gestion du Fonds vert, cela ne suffirait pas à atteindre nos cibles de réduction de GES (baisse de 30 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990).

Pour cela, la pièce maîtresse n’est pas le nouveau fonds. C’est plutôt le prochain plan d’action de lutte contre les changements climatiques. Il fournira la vision qui, espérons-le, orientera chaque décision des ministères. On attend avec impatience de voir ce plan. Car plus le temps avance, plus la cible de Québec paraît difficile à atteindre…

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