Valérie Plante veut forcer les promoteurs à construire plus de logements sociaux, abordables et familiaux. Il lui reste toutefois encore à faire la preuve que son règlement ne contient pas d’effets pervers qui hausseront les prix dans le reste du marché.

Sur le fond, la mairesse a raison. Trop de gens à revenus modestes peinent à se payer un appartement, et trop de familles quittent l’île à la recherche d’un logement assez grand pour les enfants. Mme Plante a raison d’en faire une priorité. Et elle est déjà en action.

Elle a lancé d’ambitieux projets pour améliorer l’accès au logement : fonds de 50 millions pour acquérir des terrains où des logements seront construits, fonds de 10 millions pour les projets de logement abordable hors catégorie et enfin, programme bonifié d’accès à la propriété pour les jeunes familles.

En deux ans de mandat, Mme Plante a donc déjà accompli beaucoup pour le logement. Toutefois, pour son nouveau projet de règlement visant les promoteurs immobiliers, un doute demeure.

On ne soutient pas qu’il soit forcément mauvais. Mais on attend encore une réponse à des inquiétudes soulevées lors de l’étude en cours devant l’Office de consultation publique.

Rappelons que sous Gérald Tremblay puis Denis Coderre, Montréal incitait les promoteurs à inclure 15 % de logement social et 15 % de logement abordable pour les projets de plus de 100 unités qui nécessitent un changement de zonage. En campagne électorale, Mme Plante se montrait plus ambitieuse. Elle promettait de hausser cette cible à 20 % pour le logement social, 20 % pour le logement abordable et 20 % pour le logement familial (plus de trois chambres). En outre, Mme Plante voulait rendre cette cible obligatoire et non incitative. Et elle l’imposait à tous les projets, même les plus petits, et même ceux qui ne requièrent pas de dérogation. Son slogan : le « 20-20-20 ».

Pour la catégorie abordable, les avantages risquent d’être moins grands que prévu. Si Montréal impose un prix nettement en dessous du marché, les promoteurs iront tout simplement construire ailleurs. Mais si elle exige un prix à peine inférieur à celui du marché – ce qui est son intention –, alors le règlement aura peu d’effet.

Autre problème : rien n’indique que les gens qui loueront ou achèteront ces logements seront des personnes à revenus modestes. Et même si c’était le cas, rien ne garantit qu’ils ne céderont pas leur bail ou ne vendront pas leur condo peu après.

Pour le logement social, des écueils se dressent aussi. Afin de comprendre pourquoi, il faut prendre un pas de recul.

Parmi les villes de taille comparable, le marché locatif de Montréal est un des plus accessibles en Amérique du Nord. Dans la dernière décennie, les revenus ont plus augmenté que le prix des loyers. Ce succès peut s’expliquer par l’effet positif, mais modeste, de la Régie du logement, estime Mario Polèse, spécialiste de l’économie urbaine. Mais selon lui, la principale explication se trouverait ailleurs : Montréal impose peu de taxes d’usage ou de délais aux promoteurs. Cela encourage les constructions de logements et cela augmente aussi la concurrence entre les constructeurs. On voit ainsi émerger des constructions de taille moyenne, des plex. Comme M. Polèse, l’ex chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, est très critique du projet.

Le règlement sera-t-il trop coûteux et compliqué pour les promoteurs, tellement qu’il freinera la construction de nouveaux logements et nuira à l’abordabilité ?

L’administration Plante répond que son règlement est moins complexe qu’on ne le prétend. Si plusieurs options sont prévues, c’est pour éviter les négociations au cas par cas. Le nouveau régime serait donc plus prévisible. De plus, le privé a été consulté dans la rédaction du projet, rappelle-t-on. Et les obligations sont moindres pour les petits constructeurs afin de maintenir une certaine concurrence.

Et la hausse du prix dans l’ensemble du marché ? Selon un rapport commandé par Montréal à l’institut CIRANO, le règlement ferait légèrement augmenter le prix des logements (entre 1 % et 4 %). Une hausse somme toute modeste par rapport au boom immobilier qui a enrichi les constructeurs dans la dernière décennie.

Montréal ajoute que son règlement divise le territoire en cinq zones afin d’ajuster l’impact en fonction des particularités des différents secteurs. Toutefois, le règlement ne s’appliquera pas hors de la ville de Montréal, ce qui pourrait inciter les promoteurs à construire ailleurs.

Insistons : sur le fond, l’objectif de Mme Plante est bon. On espère seulement qu’elle prendra tout le temps nécessaire pour étudier les inquiétudes soulevées lors de la consultation et ajuster, si nécessaire, son projet pour éviter les effets pervers.

D’autant plus que, de toute façon, son projet de règlement n’est pas la seule solution pour le logement social. La clé, ce serait que le public finance lui-même la construction de logements sociaux. Pour cela, malgré la meilleure volonté de Mme Plante, Montréal reste à la remorque du fédéral et du provincial. Malheureusement, Ottawa tarde encore à s’entendre avec Québec pour verser les sommes promises en 2017. S’il y a une urgence, elle est là.

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