Le Parti conservateur a un problème québécois. Malgré ses efforts répétés, il est incapable d’être compétitif au Québec. Et il est difficile de voir comment la tendance pourrait se renverser sans un chef du Québec, ou à tout le moins un chef bilingue qui n’est pas un représentant de l’Ouest.

En 2003, le Parti conservateur naissait de la fusion entre le Parti progressiste-conservateur et l’Alliance canadienne. Il y a eu depuis six élections fédérales, et jamais le parti n’a réussi à gagner plus que 12 sièges au Québec. Avec une si maigre récolte, former un gouvernement majoritaire relève presque de la mission impossible – la victoire de Stephen Harper en 2011 constituait à cet égard une anomalie.

Les misères des conservateurs ont deux grandes causes : une coalition qui n’a jamais tout à fait pris forme et des chefs sans racines au Québec.

Lors de la création du Bloc québécois, l’ancien Parti conservateur avait été vidé des nationalistes. Après la fusion de la droite, Stephen Harper a tout fait pour recréer une coalition de trois groupes : la droite de l’Ouest, les Red Tories (particulièrement de l’Ontario) et les nationalistes québécois.

On l’oublie, mais M. Harper a dépensé énormément de capital politique pour courtiser le Québec. Il a reconnu la nation québécoise, il commençait ses discours en français même à l’étranger et il s’est attaqué au déséquilibre fiscal. Cela a failli fonctionner. En 2008, au début de la campagne électorale, il menait dans les intentions de vote au Québec. Mais les coupes en culture l’ont coulé, et il ne s’en est jamais remis.

Cet échec s’explique en partie par le messager. Les chefs conservateurs anglophones ont toujours galéré au Québec. Dans l’histoire canadienne, il y a eu 18 élections où un chef conservateur non québécois affrontait un chef libéral québécois. Et chaque fois, les libéraux les ont battus au Québec. L’inverse est aussi vrai : la seule fois où un chef conservateur québécois (Brian Mulroney) affrontait un libéral non québécois, il a lui aussi triomphé.

Encore une fois, ce n’est pas parce que les conservateurs n’ont pas essayé. Contrairement à Justin Trudeau, ils se sont adjoint des lieutenants québécois (Lawrence Cannon, Denis Lebel et Alain Rayes) qui ont labouré le Québec. Mais rien ne poussait. La preuve : plusieurs des élus conservateurs sont des figures déjà enracinées dans leur région – d’ex-maires comme M. Rayes ou Richard Lehoux, sans doute aidés par leur notoriété personnelle.

En théorie, il existe un électorat réceptif pour les conservateurs au Québec, des nationalistes qui prônent la prudence fiscale et un fédéralisme décentralisé. Mais les conservateurs les attirent peu. 

Ils peinent à se rapprocher du centre – autant le centre idéologique que géographique du pays. Leur chef est choisi par les membres et la personne qui plaît aux militants n’est pas forcément celle qui ralliera le plus grand nombre de Canadiens…

On en a vu le résultat avec Andrew Scheer, incapable de récupérer assez d’électeurs déçus par M. Trudeau.

PHOTO JEFF MCINTOSH, LA PRESSE CANADIENNE

Andrew Scheer reconnaît la défaite du Parti conservateur, lundi, à Regina.

Au moins, par sa poigne, M. Harper contrôlait assez son caucus pour éviter que des dérapages sur le mariage gai ou l’avortement ne plombent ses chances. Il faisait tout pour cimenter la jeune et fragile coalition conservatrice. Andrew Scheer, qui n’a jamais été stratège ni ministre, est moins efficace. Il lui a fallu d’interminables journées pour préciser sa position sur l’avortement.

Les dernières élections laissent un pays profondément divisé. Les conservateurs dominent dans les Prairies, mais leur récolte reste décevante en Ontario (36 sièges sur 121) et déprimante au Québec (10 sur 78).

Ce n’est pas en durcissant leurs positions pour plaire à l’Ouest que les conservateurs feront des gains. Pour eux, la route vers la victoire passe par une nouvelle stratégie au Québec.

Certes, il ne faut pas oublier que les troupes de M. Scheer ont récolté plus de votes que les libéraux lundi. Mais cela n’a pas suffi. Avec les distorsions de notre mode de scrutin, les conservateurs devront élargir leurs appuis dans l’est du pays.

Des Saskatchewanais et des Albertains fulmineront. Quoi, encore des mamours au Québec ? Mais c’est plutôt le contraire qui devrait les inquiéter. Plus les conservateurs s’obstinent à ne rien faire pour l’environnement, plus ils risquent de ressembler à un « Bloc de l’Ouest » en laissant les libéraux occuper tout le centre. Ce n’est pas en restant dans l’opposition qu’ils feront des gains.

Pour imposer un recentrage, ils ont besoin d’un chef aguerri. Et qui maîtrise assez bien le français pour que le message se rende à l’est de la rivière des Outaouais. Car sans le Québec, la route vers la victoire sera sinueuse…

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