Pour la première fois de la campagne, Elizabeth May participera ce soir à un débat avec tous les autres chefs. La cheffe du Parti vert, en pleine ascension selon les sondages, devra défendre son programme. Tant mieux, car il y a parfois matière à s’étonner en le lisant.

Le Parti vert porte bien son nom : il est vert dans tous les sens du terme. Vert comme dans écolo, et vert aussi comme dans inexpérimenté. Sa plateforme électorale le démontre avec plusieurs idées brouillonnes.

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La cheffe du Parti vert, Elizabeth May, vendredi dernier à Victoria

Se battre pour l’environnement et la justice sociale est certes nécessaire, mais encore faut-il trouver des moyens qui permettent d’y arriver efficacement.

Comme petit parti de l’opposition, les ressources des verts sont limitées. Pas facile de chiffrer les revenus espérés par ses nouvelles taxes audacieuses (hausse de l’impôt des entreprises et de la taxe sur le gain en capital, ainsi que de nouvelles taxes sur les transactions financières et les profits des banques). Pas facile non plus de prédire les coûts de ses très généreuses dépenses (assurance maladie pour tous, assurance dentaire pour les moins nantis, revenu minimal garanti et retour du courrier à domicile).

On peut donc excuser les approximations de son cadre financier. D’autant plus que de son propre aveu, Mme May ne deviendra pas première ministre – la cheffe des verts rêve plutôt de détenir la balance du pouvoir.

Pour elle, le test de la crédibilité est de défendre des idées qui, même si on n’en connaît pas le coût exact, sont pertinentes. Qui atteignent leurs objectifs. Or, ce n’est pas toujours le cas. Ni en économie ni même en environnement.

Les verts veulent imposer une taxe sur les robots pour chaque employé remplacé par une machine. Cela fait pourtant des années qu’on documente la pénurie de main-d’œuvre ainsi que le retard en productivité de nos entreprises. Les verts n’ont rien trouvé de mieux que de pénaliser ceux qui cherchent des solutions.

En environnement, certaines de leurs promesses sont aussi contre-productives.

Bien sûr, l’ambition est indéniable. Mme May veut réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 60 % d’ici 2030 (par rapport au niveau de 2005). Pour y arriver, elle a le courage de vouloir interdire les nouveaux véhicules à essence d’ici 2030. Elle est aussi le seul chef à s’opposer au projet de gaz naturel liquéfié à Saguenay. Reste que d’autres idées laissent pantois.

Mme May veut interdire l’importation de pétrole étranger, la construction d’oléoducs et l’exploitation de nouveaux gisements pétroliers. En contrepartie, elle exigerait que l’hydroélectricité québécoise soit exportée et consommée dans les autres provinces. En théorie, cela semble logique. Mais quand on creuse, on réalise que c’est impraticable.

À l’heure actuelle, le Québec importe environ la moitié de son pétrole des États-Unis. Les verts voudraient que les gisements marins de Terre-Neuve alimentent désormais le Québec et l’est du pays. Or, il manquerait de production de pétrole et de canaux pour l’acheminer à moins de vouloir saturer encore plus le réseau ferroviaire. Sans oublier le défi de traiter tout ce pétrole dans les raffineries actuelles.

Dans l’ouest du pays, la belle idée de l’indépendance énergétique serait aussi difficilement applicable. Avant d’être transporté par oléoduc, le pétrole des sables bitumineux doit être dilué. Cette mixture est actuellement importée. Si on bloque les importations, il faudra la produire au Canada, ce qui hausserait les GES, comme le rappelle Andrew Leach, professeur à l’Alberta School of Business.

Enfin, le réseau d’oléoducs nord-américain est intégré. Le pétrole de l’Ouest transite parfois par les États-Unis avant de revenir au Canada. Il serait compliqué de savoir si le pétrole qui transite par les États-Unis provient ou non du Canada.

La vente de l’hydroélectricité québécoise aux autres provinces se bute également à plusieurs obstacles. Hydro-Québec négocie déjà des contrats d’exportation avec des États de la Nouvelle-Angleterre. Le fédéral ne peut forcer la société d’État à déchirer ces contrats. Et même si elle le faisait, un autre blocage demeure : l’Ontario, principal client canadien pressenti par le Parti vert, ne veut pas des surplus énergétiques québécois.

Les verts ont plusieurs mérites, comme d’avoir la franchise de dire que la transition énergétique ne se fera pas à coups de petites mesures. Ils ont aussi les objectifs les plus ambitieux. Mais encore faut-il trouver des moyens efficaces pour les atteindre.

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