Trop, c’est comme trop, tout court. Les ribambelles de promesses électorales viennent de culminer avec un programme pancanadien de camping. Le chef libéral Justin Trudeau offrirait entre autres une bourse de 2000 $ pour que les jeunes défavorisés visitent les parcs nationaux éloignés.

Nous sommes fermement en faveur du plein air et aussi de l’aide aux démunis. Mais pourquoi gérer un programme qui dit à ces gens où dépenser les beaux dollars du fédéral ?

Cette promesse a été vivement critiquée. En effet, elle est le signe que la campagne dérape. Mais pas pour les raisons que l’on prétend.

Même avec l’accumulation de dépenses racoleuses, les finances publiques du Canada restent en santé. Le problème est ailleurs : dans le déséquilibre fiscal que cela révèle.

D’ailleurs, regardons de plus près cette photo de M. Trudeau. Elle en offre une belle métaphore : Ottawa glisse sur l’eau pendant que les provinces coulent sous les déficits…

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau, jeudi dernier à Sudbury

Au Québec, cette affirmation peut surprendre. Après tout, le Québec a enregistré un surplus de 4,4 milliards l’année dernière. Reste que les grandes tendances demeurent inquiétantes.

Sous le mandat de M. Trudeau, deux renversements majeurs sont survenus : 

– Les 65 ans et plus sont devenus plus nombreux que les 15 ans et moins ;

– Les dettes des provinces ont dépassé celle du fédéral.

Il y a un lien entre les deux. Plus une population vieillit, plus les soins de santé coutent cher et les provinces paient la majorité de cette facture.

Le Directeur parlementaire du budget l’a clairement affirmé : les finances publiques du fédéral sont « viables » à long terme, tandis que celles des provinces ne le sont pas. En d’autres mots, il y a un déséquilibre.

La Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke a d’ailleurs mis en garde le Québec l’été dernier. Un ralentissement économique pourrait suffire à replonger le Québec en déficit structurel, a-t-elle prévenu.

Cela remet en contexte les déficits passés de M. Trudeau et ceux qu’il promet pour la suite.

Les libéraux ont en partie raison de dédramatiser leurs déficits. Le ratio dette/PIB du Canada est le plus faible du G7 et il resterait stable durant leur prochain mandat (entre 30 et 31 %).

De plus, la cote de crédit est excellente et les coûts d’emprunt sont faibles. Absolument rien à voir avec la crise des années 90. Si on s’inquiète pour l’héritage laissé à nos petits-enfants, la dette climatique devrait inquiéter plus que la dette fédérale.

N’empêche que même si le fédéral a les moyens de dépenser, cela ne signifie pas qu’il doit le faire ! Les déficits libéraux constituent donc malgré tout un problème pour plusieurs raisons.

Parce que M. Trudeau a brisé sa promesse d’équilibrer le budget en 2019. Parce qu’il investit pour « stimuler la croissance » alors que l’économie tourne déjà à plein régime. Parce qu’il instaure une culture de l’insouciance budgétaire à Ottawa. Parce qu’il réduit la marge de manœuvre d’Ottawa pour intervenir lors de la prochaine récession. Et surtout, ces déficits sont un problème quand on les remet dans le contexte des relations avec les provinces.

Il y a quelque chose d’insultant à voir les libéraux multiplier les promesses dans les champs de compétence des provinces comme la santé (assurance médicaments) et l’éducation (prêts étudiants). Si le fédéral a tant d’argent, pourquoi avoir refusé d’indexer les transferts en santé selon le vieillissement de la population ? Pourquoi avoir plafonné les transferts en santé à un rythme inférieur à la croissance des coûts de système ? Pourquoi ne pas les aider au lieu d’empiéter sur leur travail ?

La réponse est connue. Le fédéral préfère distribuer des chèques avec une feuille d’érable. C’est mieux pour se faire réélire.

Malheureusement, les provinces n’ont pas été invitées à ce Noël des campeurs.

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