Près de 1000 $ par année grâce à une réduction de 25 % des factures de cellulaire : c’est la jolie somme que Justin Trudeau a promise aux familles dimanche. L’intention est bonne, mais ce n’est pas demain la veille que les Canadiens verront la couleur de cet argent.

Les services sans fil coûtent en moyenne 101 $ par mois aux ménages canadiens, indique le plus récent Rapport de surveillance des communications du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui porte sur l’année 2017. Ça représente près de la moitié (43 %) du budget de télécommunications, qui comprend aussi l’internet, la télédistribution (câble, satellite, etc.) et la téléphonie filaire.

Si au moins les clients étaient contents… Au contraire, les fournisseurs de services sans fil sont la plus grande source de récriminations à la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision du Canada, avec plus du tiers (37,1 %) des problèmes soulevés. Et les irritants les plus fréquents (frais incorrects et information trompeuse ou manquante au sujet des modalités de service) touchent directement le portefeuille des consommateurs*.

PHOTO NATHAN DENETTE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Les services sans fil coûtent en moyenne 101 $ par mois aux ménages canadiens.

Le problème ne laisse à peu près personne indifférent, puisque 90 % des ménages sont abonnés à un service cellulaire avec deux appareils en moyenne par foyer. Dans bien des maisons, c’est même le seul type de téléphone disponible. Déjà, en 2017, à peine 6 ménages sur 10 (63 %) avaient encore une ligne filaire.

Bref, le cellulaire est, de plus en plus, un service essentiel. Et bien que les provinces puissent encadrer certains aspects, comme l’Office de la protection du consommateur (OPC) l’a fait au Québec avec les contrats, il s’agit d’un champ de compétence essentiellement fédéral. Ottawa ne peut donc pas rester les bras croisés devant des tarifs qui demeurent parmi les plus élevés au monde. (Le NPD l’a aussi reconnu en étant le premier de la campagne à promettre de faire baisser les factures.)

Avec une réduction de 25 % sur quatre forfaits sans fil (deux à 2 Go de données par mois et deux autres à 5 Go), une famille de quatre pourrait économiser 976,56 $ par an, estiment les libéraux.

Est-ce réaliste ?

Le ministre de l’Industrie a clairement haussé le ton depuis l’an dernier. Après avoir ordonné au CRTC d’enquêter sur les pratiques de vente douteuses des fournisseurs, Navdeep Bains lui a demandé de prioriser la concurrence, l’abordabilité et les intérêts des consommateurs dans ses décisions.

Les libéraux promettent maintenant de renforcer la concurrence en facilitant l’implantation de nouveaux fournisseurs qui utiliseraient les réseaux établis, et en allouant les prochaines capacités de réseau en fonction des consommateurs.

La volonté y est et les moyens proposés sont bons, mais c’est loin d’être fait.

Le CRTC ayant déjà annoncé des audiences publiques sur la téléphonie mobile en janvier prochain, on devra attendre que le processus suive son cours. Il faudra attendre de nombreux mois avant que le Conseil ne livre son rapport, suivi d’un temps de réflexion du côté du gouvernement. Ajoutez à cela les délais requis pour pondre une réglementation et la mettre en vigueur, et vous comprendrez que ce n’est pas ce qui fera baisser votre facture de cellulaire l’an prochain.

D’autant que le trio BRT (BCE-Rogers-Telus), qui domine le marché, ne laissera pas les règles du jeu changer sans réagir.

Lorsque Ottawa hausse le ton, il arrive que les fournisseurs améliorent leurs offres d’eux-mêmes. Mais les anciens monopoles ont surtout des objections bien rodées. Et si ça ne suffit pas, il leur reste les tribunaux.

BCE, Rogers et plusieurs câblodistributeurs, dont Vidéotron, viennent justement de s’adresser à la Cour d’appel fédérale. Ils veulent faire renverser une décision du CRTC qui a fait chuter les prix qu’ils peuvent exiger des petits fournisseurs internet qui utilisent leurs réseaux pour leur faire concurrence. Si jamais ils obtiennent gain de cause, il deviendra encore plus difficile de leur imposer la même chose dans leurs réseaux sans fil mobiles.

Le PLC et le NPD se sont commis, mais on ne sait toujours pas ce que les conservateurs d’Andrew Scheer ont à proposer au sujet des tarifs de cellulaire. Comme on le voit, une telle promesse ne sera pas facile à réaliser. Mais si un parti qui espère former le gouvernement ne veut même pas s’engager à essayer, quel espoir reste-t-il pour les consommateurs ?

* Tiré du plus récent rapport, du 1er août 2018 au 31 janvier 2019

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