On ne va pas gâcher la fête. Le versement de 1,3 milliard par Ottawa pour la construction de cinq nouvelles stations sur la ligne bleue, qui donne un élan non négligeable à ce projet, est une excellente nouvelle. Impossible de prétendre le contraire.

Permettez-nous tout de même de rechigner un peu. Le prolongement de la ligne bleue aurait dû être achevé depuis longtemps.

C’est un projet structurant que nos élus n’avaient pourtant jamais, jusqu’à tout récemment, considéré comme une priorité absolue. C’est la raison pour laquelle vous ne pouvez pas encore vous déplacer en métro entre la station Saint-Michel et Anjou.

En fait, le gouvernement provincial envisage cette extension depuis plus de 30 ans. Une date à retenir : 1988. C’est l’année où, pour la dernière fois, une station de métro a été inaugurée dans l’île de Montréal (Acadie). C’est aussi l’année où le gouvernement du Québec avait annoncé pour la première fois son intention de construire le tronçon qui verra le jour, a-t-on promis cette semaine, en… 2026 ! Donc 38 ans plus tard, au mieux !

On a fini par se rendre à l’évidence. Le prolongement de la ligne bleue devrait contribuer à la fois à réduire la congestion routière — et forcément nos émissions de gaz à effet de serre, n’oublions pas que les véhicules demeurent les plus grands émetteurs du Québec —, et à faciliter les déplacements de nombreux résidants de l’est de Montréal. Il va aussi stimuler le développement économique de ce secteur. L’extension aura « une incidence majeure sur la relance de l’Est », a prédit la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Ajouter cinq stations à la ligne bleue est le dernier exemple d’une série d’initiatives qui démontrent qu’on prend maintenant au sérieux le développement des transports collectifs dans la région métropolitaine. Et qui prouvent que nos élus ne jurent plus uniquement par le prolongement et l’élargissement de routes.

On pense d’abord au REM, qui a été décrit comme « la Baie-James de notre temps ». On pense aussi au tramway qui pourrait relier le centre-ville de Montréal à l’arrondissement de Lachine, qu’on vient d’annoncer en expliquant qu’il s’agit du premier tronçon de la ligne rose.

Il semble par ailleurs y avoir une réelle volonté politique à la CAQ pour un projet de tramway vers l’Est, rue Notre-Dame, ou peut-être même le prolongement du REM. Sans oublier le service rapide par bus sur Pie-IX, qui va un jour finir par se matérialiser (on a évoqué une mise en service en 2022) et l’ajout de quelque 300 autobus sur le réseau montréalais. Ceux-ci entreront graduellement en service au cours des prochains mois et devraient faire une véritable différence sur le réseau à partir de l’automne 2020.

C’est réjouissant. Mais ça le serait plus encore si tout ça était mieux coordonné. Si une pensée stratégique guidait ces initiatives. 

Car il est important de maximiser leur efficacité et d’éviter les effets indésirables. Par exemple, si on ne trouve pas des façons de décongestionner la ligne orange avant l’ouverture des nouvelles stations sur la ligne bleue, on risque fort de transformer la vie des usagers en enfer.

L’engorgement de l’axe est de la ligne orange aux heures de pointe, tout particulièrement entre Beaubien et Bonaventure, est tel qu’il serait irresponsable de ne pas agir.

La bonne nouvelle, c’est qu’au bureau de la mairesse Plante, on en est pleinement conscient. On travaille à renforcer certains axes du réseau d’autobus afin d’offrir une solution de rechange à la ligne orange. Rappelons que Québec a offert 5 millions pour financer une étude à ce sujet, après la visite du métro effectuée en mai dernier par le ministre des Transports François Bonnardel.

Une pensée stratégique, ça voudrait aussi dire veiller à ce que d’autres projets structurants soient envisagés rapidement. Que ce soit un éventuel prolongement de la ligne jaune, celui de l’axe ouest de la ligne orange, la ligne rose ou certains des autres projets à l’étude, peut-on, s’il vous plaît, se donner les moyens de ne pas avoir à annoncer une première pelletée de terre uniquement… dans 38 ans ?

Là encore, l’avenir semble moins sombre qu’il ne l’était autrefois.

L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), créée il y a deux ans, est en train de préparer un plan stratégique qui devrait guider l’ensemble des investissements en matière de transports collectifs pour la grande région de Montréal. Les premières consultations auront lieu au cours des prochaines semaines et le résultat des travaux va être rendu public à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.

On parle d’une vision pour les 30 prochaines années, où l’on va à la fois prévoir comment mieux faire fonctionner les réseaux actuels et se pencher sur le développement de nouveaux services. Avec, on l’espère, une plus grande cohérence entre les nombreux projets à l’échelle de la région au grand complet.

Il faut espérer que ce plan sera accueilli avec enthousiasme et qu’il incitera nos élus à penser la mobilité durable en continu, sur la durée, plutôt que de travailler par bourrées… tous les 30 ans ! La patience est une vertu, mais elle a ses limites.

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