Fou, ce qui peut se passer en un an à peine…

Rappelez-vous comment s’était terminée l’année 2018 sur la scène canadienne. Le conservatisme avait le vent dans les voiles. Les provinces avaient successivement pris une teinte de bleu. La taxe carbone était attaquée d’un océan à l’autre.

Et pour bien surfer sur l’ambiance politique du moment, cinq leaders conservateurs s’étaient retrouvés en une du magazine Maclean’s sous le titre « La résistance ». Une résistance au changement et aux mesures climatiques qui promettaient aux libéraux une année 2019 des plus éprouvantes.

Or un an plus tard, il vaut la peine de s’arrêter pour le réaliser : la situation s’est complètement inversée.

Au point où l’on peut même nourrir de l’espoir dans le dossier climatique pour 2020…

Oui, oui !

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE MACLEAN’S

À la toute fin de l’année dernière, cinq leaders conservateurs
s’étaient retrouvés en une du magazine Maclean’s.

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L’année 2019 ne se termine donc pas du tout comme elle a commencé.

D’abord, le Parti conservateur se retrouve sans chef après une défaite cuisante aux élections de l’automne dernier. Le résultat sur papier n’est pas dramatique, c’est vrai, mais l’échec n’en est pas moins dur, car Justin Trudeau était tout à fait battable.

Et la course à la direction pourrait menacer l’unité de ce parti formé de la fusion des progressistes conservateurs et des alliancistes de l’Ouest. Un duel entre Rona Ambrose et Jean Charest, par exemple, pourrait créer des divisions…

Ensuite, le résultat électoral du 21 octobre dernier peut être interprété comme un mandat progressiste fort, c’est-à-dire un appui à une réforme du système et de l’économie grâce à des politiques sociales et environnementales ambitieuses.

Évidemment, les libéraux sont minoritaires. Mais le pouvoir est maintenant détenu par un parti de centre gauche, qui doit le partager avec deux, voire trois formations qui ont mis de l’avant des plateformes plutôt à gauche.

Le NPD et le Bloc demandent en ce sens des gestes forts sur le plan social, mais également sur le plan environnemental. Même chose pour les verts.

On se retrouve ainsi avec quatre formations politiques qui exigent des actions ambitieuses et immédiates pour réduire les gaz à effet de serre et pour entamer une véritable transformation de l’économie. Des partis qui, ensemble, ont tout de même récolté plus de 63 % des voix en octobre dernier.

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Est-ce une façon trop optimiste, trop verte, disons, de voir venir l’année 2020 ? Après tout, la bataille contre la tarification du carbone se poursuit devant les tribunaux tandis que la colère de l’Ouest semble aussi forte, sinon plus que l’an dernier.

Et donc, on pourrait penser que la bataille climatique se poursuivra en cour plutôt que sur le terrain l’an prochain.

Or, il y a au contraire des raisons de nourrir un certain espoir. Car ceux qui suivent la politique provinciale dans le ROC auront noté un changement de ton de la part d’à peu près tous les premiers ministres conservateurs ces dernières semaines…

Le rétropédalage a débuté le lendemain des élections, lorsque le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, s’est incliné devant la victoire des libéraux de Justin Trudeau. « Les gens ont voté, alors nous, au Nouveau-Brunswick, devrons trouver un moyen de faire fonctionner [le régime de tarification des émissions de gaz à effet de serre] », a-t-il dit.

Même son de cloche au Manitoba, où Brian Pallister a dit « espérer » travailler avec le fédéral, « non plus nous diviser en luttant contre les taxes sur le carbone ».

Puis le tour de Doug Ford est venu, avec une approche beaucoup plus conciliante à l’endroit de l’environnement, mais aussi de Justin Trudeau. Suivi par le virage de l’Alberta, où Jason Kenney, contre toute attente, a imposé sa propre taxe carbone de 30 $… Une taxe qui a reçu la bénédiction des libéraux fédéraux.

Et c’est ainsi qu’à la fin 2019, il ne reste plus qu’un premier ministre vraiment écolorécalcitrant. Douze mois plus tard, parmi les cinq leaders de « la résistance » qui prenaient la pose en complet gris, seul Scott Moe de la Saskatchewan garde en effet les poings fermés et les sourcils froncés.

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Rien n’est gagné pour autant sur le front climatique, disons-le. Les émissions de gaz à effet de serre du pays continuent d’ailleurs d’augmenter. Et les libéraux fédéraux n’ont pas dit ce qu’ils feront de la tarification sur le carbone au-delà de 2022.

Mais tout ce qui se passe dans les provinces demeure de bon augure quand on sait que le fédéral peut bien avoir le meilleur plan, il ne se passera pas grand-chose si les premiers ministres croisent les bras.

On peut donc se réjouir du virage vert que semble vouloir prendre la politique canadienne. Surtout qu’au Québec, au même moment, la Coalition avenir Québec se ramollit au rythme de « la résistance ».

Imaginez ! François Legault a même promis que 2020 serait l’année de l’environnement pour son gouvernement.

Il faudra voir si l’épiphanie verte de la CAQ est réelle, mais que cette formation n’ayant mis de l’avant aucune mesure environnementale dans sa plateforme électorale s’ouvre au sujet est, en soi, une note d’espoir.

Et du côté du Parti conservateur canadien, un consensus semble émerger quant à l’importance d’actualiser la position du parti sur les questions climatiques. Bien des élus et des militants réclament un virage pour ne plus être relégués au rang de dinosaures.

Il n’est d’ailleurs pas banal que Mme Ambrose et M. Charest aient tous les deux occupé le poste de ministre de l’Environnement.

Est-ce assez pour que 2020 soit l’année du virage vert au Canada ? Souhaitons à tout le moins que ce soit la résolution des élus pour le début de l’année.

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