Depuis la signature de la nouvelle mouture de l’accord de libre-échange nord-américain, mardi, on a surtout entendu les doléances de l’industrie de l’aluminium. Elles sont légitimes et méritent notre attention, mais elles ne devraient pas nous faire perdre de vue le portrait global.

Le fait est que cet accord, que Donald Trump menaçait naguère de déchirer, est sauvé. On peut l’affirmer avec plus de confiance que jamais auparavant, maintenant que les démocrates – qui contrôlent la Chambre des représentants à Washington – sont prêts à le ratifier.

En soi, pour l’économie canadienne, c’est une réussite inestimable.

D’autant plus qu’Ottawa, rappelons-le, a réussi à sauver les meubles. Si on tient compte de ce que Washington réclamait au tout début des négociations, c’est flagrant.

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La vice-première ministre du Canada Chrystia Freeland et ses vis-à-vis mexicain et américain, Jesus Seade et Robert Lighthizer, ont signé mardi la nouvelle mouture de l’accord de libre-échange nord-américain.

L’administration américaine souhaitait, notamment, l’élimination graduelle de la gestion de l’offre et la disparition de l’exception culturelle, parallèlement à l’élimination du chapitre 19 sur le règlement des différends et à une hausse astronomique de la valeur des biens qui peuvent être expédiés au Canada sans taxes ni droits de douane. Entre autres.

Par ailleurs, d’après les informations qui circulent au sujet des changements réclamés et obtenus récemment par les élus démocrates, le Canada devrait pouvoir tirer son épingle du jeu encore un peu plus. On a notamment appris que la durée de la protection intellectuelle pour les médicaments biologiques avait été limitée et que le Mexique s’était vu forcé d’améliorer les conditions de travail sur son territoire.

Ajoutez à ça le fait qu’il y a aujourd’hui moins d’incertitude qu’hier, alors que celle-ci avait eu un impact mesurable sur les investissements au Canada, et il n’y a pas de doute possible : la signature de ce nouvel accord est une très bonne nouvelle.

La réaction du premier ministre du Québec, hier, ne laissait d’ailleurs place à aucune ambiguïté. Il s’est dit déçu du sort réservé à l’aluminium, mais il est d’avis que l’entente doit malgré tout être ratifiée.

C’est aussi ce qu’estime l’Association de l’aluminium du Canada, a-t-il précisé. On semble donc loin de la « catastrophe pour les alumineries du Québec » que prédisait hier Yves-François Blanchet.

Mettons d’ailleurs les choses au clair : l’industrie de l’aluminium n’a pas perdu d’acquis.

Contrairement aux producteurs de lait, par exemple, qui seront les victimes d’un véritable recul en lien avec la nouvelle brèche faite l’an dernier dans la gestion de l’offre.

L’industrie de l’aluminium, pour sa part, n’a pas fait les gains qu’elle espérait. C’est différent. C’est néanmoins, il est vrai, aussi préoccupant que décevant. Et ça l’est d’autant plus que l’industrie de l’acier, elle, a pu obtenir ce qu’elle réclamait.

Essentiellement, selon les nouvelles règles d’origine négociées l’an dernier pour le secteur de l’automobile, 70 % de l’aluminium et de l’acier utilisés dans la production de véhicules doivent provenir de l’Amérique du Nord. Or, dans la nouvelle mouture de l’entente, on a précisé que l’acier devrait absolument être produit dans l’un des trois pays signataires.

Ce ne sera hélas pas le cas pour l’aluminium.

Ça signifie que le Mexique pourra continuer d’acheter de l’aluminium à l’extérieur du pays (produit au rabais en Chine, par exemple) et l’utiliser, au bout du compte, dans le secteur automobile en étant conforme aux clauses de l’accord.

Selon certains chiffres rendus publics par l’Association de l’aluminium du Canada, le Mexique semble en train de prendre goût à ce tour de passe-passe répréhensible. Le pays achète de plus en plus de jantes d’aluminium en Chine et… en vend de plus en plus aux Américains.

Il est donc clair qu’il faudra suivre de très près l’évolution de la situation.

PHOTO MARCO UGARTE, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

« Les doléances de l’industrie de l’aluminium sont légitimes et méritent notre attention, mais elles ne devraient pas nous faire perdre de vue le portrait global », écrit notre éditorialiste.

Il est tout aussi clair qu’Ottawa devra être à l’écoute de l’industrie de l’aluminium si celle-ci se retrouve en difficulté. Pour améliorer sa productivité en investissant davantage dans l’automatisation, par exemple.

Une érosion potentielle des parts de marché de l’industrie québécoise de l’aluminium dans le secteur automobile nord-américain est une perspective qu’on ne peut surtout pas se permettre de prendre à la légère.

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