À part l’héritage de Robert Bourassa brandi comme un totem, il est difficile de comprendre en quoi consiste exactement le prétendu retour du nationalisme au Parti libéral du Québec (PLQ). Pour l’instant, c’est surtout le mot « nationalisme » qui est revenu à la mode. Passer de la parole aux gestes sera toutefois plus difficile.

Ce n’est pas parce qu’il manque de modèles dans l’histoire du parti ni parce que le nationalisme serait incompatible avec les valeurs libérales. C’est plutôt que le contexte a changé.

Le Québec est entré dans un nouveau cycle politique. Le PLQ a un nouvel adversaire fédéraliste et aussi un nouvel électorat.

On a beaucoup parlé de l’effondrement des intentions de vote chez les francophones (autour de 15 %). Mais on a moins noté que cela découle en partie de la chute des appuis chez les plus de 55 ans. Autrefois dominant auprès de ces électeurs, le PLQ se classe désormais troisième.

Pourquoi ? Probablement parce que les aînés, qui s’inquiètent pour leur santé, ont été échaudés par la réforme Barrette. Et aussi parce qu’ils ressentent plus d’insécurité identitaire. Sous Philippe Couillard, ils se sont sentis jugés, comme si leurs craintes étaient irrationnelles et illégitimes.

Par contre, ce qui a rebuté les plus vieux semble avoir plu aux jeunes. C’est la seule bonne nouvelle pour les libéraux : ils mènent dans les intentions de vote chez les 18-34 ans.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Dominique Anglade

Depuis les années 70, le PLQ menait chez les plus vieux. C’est désormais le contraire. Le renversement est majeur.

Les candidats à la direction, Dominique Anglade et Alexandre Cusson, disent vouloir renouer avec le nationalisme. Pour cela, ils devront réconcilier les milléniaux avec les baby-boomers.

Pour l’instant, Mme Anglade est la seule à avoir fait des propositions concrètes. Au lieu d’invalider la loi sur la laïcité, elle laisserait les tribunaux trancher, sans recourir à la clause dérogatoire. Elle déposerait aussi une loi sur l’interculturalisme.

Cela semble assez minimal. Et pourtant, cette dernière mesure a été critiquée l’été dernier lors du congrès de l’aile jeunesse. Le tiers des jeunes a voté contre l’interculturalisme malgré l’intervention au micro de leur président. Ces contestataires s’opposaient ainsi à la reconnaissance au Québec d’un « groupe majoritaire francophone » qui doit « servir de socle pour l’intégration des immigrants ». Le multiculturalisme a donc ses partisans au PLQ.

Cela remet en contexte le débat sur l’héritage nationaliste des libéraux.

Le problème n’est pas que le PLQ n’a pas de racines nationalistes. C’est plutôt que certains militants les ont oubliées.

On pourrait débattre longuement du legs des anciens chefs libéraux comme Jean Lesage, Robert Bourassa et Claude Ryan. Mais, à tout le moins, ils reconnaissaient l’existence d’un « nous ». D’une communauté politique à la fois majoritaire chez elle et minoritaire au Canada, qui devait être défendue.

C’est pourquoi, dès 1971, M. Bourassa dénonçait le multiculturalisme de Pierre Elliott Trudeau. Mme Anglade s’en est d’ailleurs réclamée dans sa défense de l’interculturalisme. Cela peut sembler minimal. Reste que c’est significatif dans le contexte où son parti revient de l’arrière.

Sous le règne de Duplessis, les libéraux étaient accusés de n’être qu’une copie provinciale du Parti libéral du Canada. Et aujourd’hui, ils doivent à nouveau se défendre de cette accusation, contre un adversaire qui, comme l’Union nationale, est à la fois fédéraliste et nationaliste.

Mme Anglade et M. Cusson auront la chance d’expliquer concrètement s’ils réclament de nouveaux pouvoirs du fédéral et s’ils utiliseront ceux à leur disposition par exemple pour protéger le français, promouvoir notre culture et mieux intégrer les nouveaux arrivants à la communauté francophone.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Alexandre Cusson

Mais avant de discuter des moyens, les libéraux devraient commencer par parler de l’objectif lui-même. En quoi consiste exactement aujourd’hui leur nationalisme ?

La première étape serait de changer de ton. De ne pas juger de haut les inquiétudes identitaires des plus vieux. Et de rappeler aux plus jeunes le devoir historique d’assumer le rôle de « premier responsable », comme disait Robert Bourassa, de la culture francophone en Amérique du Nord.

C’est une réconciliation entre deux générations de militants et une réconciliation aussi d’un parti avec son histoire sinueuse.

Pour cela, il faudra un remarquable mélange de tact et de poigne.

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