Par où on commence pour dire à quel point Québec a raison de vouloir serrer la vis à l’industrie du vapotage ?

En rappelant que le nombre d’adolescents qui vapotent a grimpé de façon préoccupante, ici comme ailleurs ?

En faisant référence aux nombreux cas de maladies pulmonaires graves recensés en Amérique du Nord au cours de la dernière année ? La majorité sont liés au THC, c’est vrai, mais pas tous.

En évoquant, dans la foulée, l’histoire de ce jeune de 17 ans au Michigan à qui on a transplanté deux poumons le mois dernier ? Tant ses parents que ses médecins en ont profité pour sonner l’alarme quant aux dangers du vapotage (et on a appris, depuis, qu’un jeune Ontarien a aussi failli perdre les siens).

En précisant que les vapoteuses utilisées avec de la nicotine demeurent un outil efficace pour cesser de fumer, mais qu’elles suscitent un engouement chez les ados – même chez ceux qui n’utilisaient pas nécessairement de produits du tabac ? Une fois accros, ils pourraient être tentés de troquer leur vapoteuse pour des cigarettes.

PHOTO JOSE LUIS MAGANA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

« Il est important d’exhorter Québec à agir vite et de façon résolue tout en déplorant qu’à Ottawa, on peine encore à saisir l’urgence de la situation », conclut notre éditorialiste.

En citant le médecin américain Jonathan Winickoff – figure connue de la lutte contre le tabagisme chez les jeunes ? Il a déjà expliqué au magazine New Yorker que « si vous deviez concevoir le dispositif de distribution de nicotine idéal dans le but de rendre dépendants bon nombre de jeunes aux États-Unis, vous inventeriez Juul ».

Bref, les inquiétudes ne sont pas futiles et la volonté politique affichée par Québec dans ce dossier est louable.

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Il est important ici de souligner que le Québec est déjà l’une des provinces qui ont réagi le plus rapidement et le plus fermement pour encadrer le vapotage.

Il est d’autant plus important de le souligner qu’Ottawa traîne la patte dans ce dossier.

Un chercheur de l’Université Memorial à Terre-Neuve a récemment publié une étude qui démontre qu’au pays, le Québec est l’une des provinces où le vapotage chez les adolescents a le moins augmenté.

Selon Hai Nguyen, le fait que le Québec fut une des premières provinces à interdire le vapotage aux mineurs, jumelé à « une meilleure surveillance des points de vente », a permis de limiter la hausse du vapotage chez les jeunes.

Le chercheur aurait pu ajouter que le Québec est aussi l’une des provinces dont l’encadrement législatif de la publicité des produits du vapotage a le plus de mordant (les dispositions ont été contestées devant les tribunaux, le gouvernement a été débouté, mais a fait appel). D’ailleurs, le mois dernier, le gouvernement ontarien a décidé de s’en inspirer.

Mais la mission n’est pas accomplie, les événements des derniers mois l’ont démontré. Il est urgent d’en faire davantage pour limiter les dégâts du vapotage et freiner sa progression chez les jeunes. Le plus vite sera le mieux.

Il existe actuellement deux brèches principales qui devraient être colmatées. Premièrement, Québec doit trouver un moyen de limiter les saveurs, qui contribuent à rendre le vapotage si séduisant pour les jeunes. Deuxièmement, mieux contrôler le taux de nicotine potentiel de ces dispositifs est indispensable. Réduire la concentration maximale à 20 mg par millilitre (environ le tiers de la limite permise actuellement), comme on l’a déjà fait en Europe et en Colombie-Britannique, semble aussi sage que raisonnable.

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Le mot raisonnable, ici, ne doit pas être sous-estimé. Le groupe spécial d’intervention, qui fera des recommandations au gouvernement Legault dans ce dossier, aurait tout avantage à ne pas perdre de vue les avantages du vapotage.

Jusqu’à nouvel ordre, le vapotage demeure une solution de rechange moins nocive que la cigarette pour de nombreux fumeurs.

Certains experts soulignent par exemple – avec raison – que l’idée de limiter encore un peu plus les endroits où l’on vend des produits du vapotage est à manipuler avec soin. Car si on pouvait se procurer facilement des cigarettes un peu partout, mais que les vapoteuses n’étaient disponibles qu’en pharmacie, ce serait pour le moins paradoxal sur le plan de la santé publique. Pourquoi le produit le plus dangereux serait-il le plus accessible ?

Gare à l’excès de zèle, donc. Mais une fois cette mise en garde faite, il est important d’exhorter Québec à agir vite et de façon résolue tout en déplorant qu’à Ottawa, on peine encore à saisir l’urgence de la situation.

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