Si c’est un revers, il se prend plutôt bien pour le gouvernement Trudeau. La semaine dernière, la Cour d’appel fédérale a accepté d’entendre à nouveau les opposants au projet d’oléoduc Trans Mountain. L’appel ne portera toutefois que sur la consultation avec certaines Premières Nations. Et même si la Cour devait leur donner raison, cela ne bloquerait pas l’oléoduc. En fait, la construction pourrait commencer, comme prévu, durant la campagne électorale.

Ceux qui croient que les tribunaux font preuve d’activisme ou que les Premières Nations bloquent le développement économique devraient lire attentivement la décision. Elle est prudente et nuancée.

En août 2018, la Cour d’appel a suspendu le projet Trans Mountain à cause du manque d’études sur l’habitat marin ainsi que du manque de consultations avec les Premières Nations. Assurant avoir corrigé ces failles, le gouvernement Trudeau a relancé le projet en juin dernier.

Des environnementalistes, la Ville de Vancouver, un groupe de jeunes ainsi que des Premières Nations ont porté la décision en appel. La Cour n’a retenu que certaines des demandes des autochtones.

La Cour refuse de réentendre les arguments déjà plaidés sur les risques environnementaux. Elle statue aussi que le fédéral n’est pas en conflit d’intérêts, même s’il est propriétaire de l’oléoduc qu’il veut faire approuver. Et surtout, elle est catégorique : les Premières Nations n’ont pas de droit de veto sur le projet.

On ne pourrait trouver meilleure illustration de l’application délicate et à la limite paradoxale du devoir de consultation. Le juge Stratas dit qu’Ottawa doit absolument consulter les Premières Nations, mais qu’il peut agir sans leur consentement. Et il annonce en même temps qu’Ottawa devra prendre le temps de bien faire la consultation, tout en exigeant que le dossier avance très vite, et en rappelant que la consultation n’a pas besoin d’être « parfaite ». Mais en même temps, il faut prendre le temps de bien faire ce travail…

En somme, comme le résume Jean Leclair, professeur titulaire de droit à l’Université de Montréal, le message de la Cour peut être compris ainsi : « Hâtez-vous lentement. » Dans ces conditions, on se demande quel rapport de force auront les groupes autochtones opposés – rappelons toutefois que certains sont en faveur du projet.

Pour le reste, le juge Stratas fait preuve de déférence. Pour approuver un oléoduc, il faut en évaluer l’intérêt public. Ce calcul coût-bénéfice, explique-t-il, relève de la politique. C’est au gouvernement et non au tribunal de le faire.

Si on cherche un échec dans le projet Trans Mountain, il ne se trouve pas dans ce nouvel appel. Il se trouve plutôt dans le cœur même du projet.

Le premier ministre Trudeau a fait un pari : construire un oléoduc pour les provinces pétrolières afin de les rallier en échange de sa taxe carbone. Or, même si Trans Mountain ira de l’avant, les nouveaux gouvernements conservateurs en Alberta et en Ontario mènent une croisade contre la taxe carbone. On se retrouve donc avec une hausse à venir de la production pétrolière, sans la mesure phare pour la compenser. M. Trudeau n’en est pas responsable, mais cela reste quand même son échec.

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