On commence à voir de plus en plus de vélos rouges portant le nom JUMP dans les rues de Montréal, la toute première au pays à accueillir cette division d’Uber. Et ce sera bientôt au tour des trottinettes Lime de prendre la ville d’assaut d’une semaine à l’autre.

Une bonne nouvelle pour la mobilité urbaine ?

Pas vraiment, non.

Pour avoir une idée du bordel qui attend Montréal, il suffit de visiter quelques villes où ces véhicules en libre-service sont présents. Des villes comme San Francisco, Berlin, Paris et Stockholm, où il est de plus en plus difficile de circuler à pied sans trébucher sur une trottinette… ou s’en prendre une en plein visage.

Déjà, ici à Montréal, on peut apercevoir des vélos rouges verrouillés à des endroits interdits, accrochés à des stations BIXI ou abandonnés en plein trottoir. Le service 311 a reçu de nombreux appels en ce sens ces derniers jours. L’arrondissement de Ville-Marie également.

Et le service JUMP a commencé à être déployé il y a une semaine à peine ! Imaginez quand les trottinettes Lime de Google s’ajouteront, puis celles qu’Uber compte également mettre en service. Et après, ce sera probablement les vélos électriques Lime, puis les trottinettes d’autres entreprises comme Bird, Dott, Hive, etc.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Lancement du service de vélos JUMP, d’Uber

Comprenons-nous bien, la mobilité alternative a ses vertus, surtout lorsqu’il s’agit de véhicules à assistance électrique. Mais le problème avec ces nouveaux appareils, ce n’est pas leur existence comme telle, c’est l’absence d’ancrage pour les réunir et les ordonner.

La différence avec le BIXI, elle est là. Quand vous empruntez un BIXI, vous le faites à une station, puis vous déposez le vélo à une autre station.

Les appareils Lime, JUMP et autres peuvent être empruntés et abandonnés n’importe où. Vraiment. N’importe. Où.

Voilà pourquoi le parvis du Louvre est parsemé de trottinettes esseulées. Que vous retrouvez des vélos (Lime) épars sur les grandes places de Londres. Que vous risquez de vous faire heurter par une trottinette sur les trottoirs de San Francisco. Que les policiers s’arrachent les cheveux à Berlin pour éloigner ces appareils des endroits sécurisés, comme l’ambassade des États-Unis.

Partout, c’est l’anarchie, la loi de la jungle urbaine. La maire de Paris a même parlé d’un « bordel généralisé » avant de tenter d’en réduire la portée avec de nouvelles règles il y a quelques jours.

Heureusement, à Montréal, on peut féliciter l’administration Plante, qui a fait ses devoirs en s’appuyant sur les meilleures pratiques. Sachant que le gouvernement Legault envisageait de lancer un projet-pilote permettant à Lime, JUMP et autres de s’installer dans la métropole, elle a ainsi adopté un règlement plutôt sévère AVANT que le problème ne se présente.

Les utilisateurs, par exemple, sont obligés de déposer vélos et trottinettes sur des supports à bicyclettes ou à des endroits prévus à cet effet, non pas sur les trottoirs. Et les opérateurs sont tenus responsables si des clients laissent les véhicules n’importe où : ils ont deux heures pour les déplacer, sinon la Ville les entrepose en plus d’imposer une amende.

Mais ce que montrent les expériences à l’étranger, c’est le laisser-aller qui s’installe avec ces véhicules nouveau genre, et la hausse de l’insécurité pour l’ensemble des usagers de la voie publique (il y a déjà eu des morts en France et en Suède). Et il est bien difficile de croire que Montréal en sera épargné comme par magie, malgré son règlement.

Les touristes habitués de les abandonner n’importe où le feront-ils ici aussi ? Les supports à vélo seront-ils suffisants pour accueillir à la fois les vélos JUMP et les vélos des Montréalais ? La police aura-t-elle les effectifs pour s’assurer du port obligatoire du casque pour les vélos et les trottinettes électriques, comme imposé par Québec ? La ligne 311 sera-t-elle envahie de plaintes quotidiennes ? Les inspecteurs municipaux seront-ils assez nombreux pour s’occuper des véhicules abandonnés aux mauvais endroits ? Les trottinettes rouleront-elles sur les trottoirs comme on le voit ailleurs ? Le nombre d’engins se multipliera-t-il à l’infini ?

Bref, la question que devront se poser à la fois Québec et Montréal à la fin du projet-pilote estival est celle-ci : les avantages de ces services sans ancrage sont-ils plus grands que leurs inconvénients ?

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