Sur le fond, rien n’a changé. Un oléoduc vert, ça n’existe pas. On ne peut pas contredire ceux qui accusent les libéraux de tenir un double discours parce qu’ils agrandissent le pipeline Trans Mountain tout en se targuant d’être des chefs de file en matière de protection de l’environnement.

Il était évident l’an dernier qu’en achetant l’oléoduc, le gouvernement de Justin Trudeau s’était mis le doigt dans un engrenage qui allait forcément miner sa crédibilité sur le plan environnemental.

Ce même engrenage s’est remis en branle mardi quand le premier ministre, flanqué de plusieurs de ses ministres, a officiellement donné le feu vert aux travaux de construction de l’oléoduc. Le paradoxe était d’autant plus saisissant que le Parlement venait d’adopter une motion visant à décréter l’urgence climatique.

Si le bât blesse toujours autant sur le plan de la cohérence, il est vrai, cependant, que la nouvelle mouture du projet est moins bancale. 

L’annulation du décret pour l’expansion de l’oléoduc par la Cour d’appel fédérale l’an dernier a forcé Ottawa à refaire ses devoirs.

Le gouvernement a notamment repris les consultations avec les groupes autochtones, supervisées par l’ancien juge de la Cour suprême Frank Iacobucci. Dans la foulée, il a annoncé huit mesures d’accommodement pour la plupart liées aux répercussions potentielles du projet sur l’habitat aquatique et la sécurité maritime au large de la Colombie-Britannique.

Il a aussi promis de s’inspirer de la Norvège. Il investira tous les revenus générés par l’exploitation de l’oléoduc, et éventuellement par sa vente, dans la transition écologique. Espérons, cela dit, que ce fonds vert sera mieux géré que ne l’a été celui du Québec…

L’argumentaire du premier ministre, par ailleurs, s’est raffiné.

Pour justifier l’initiative, il a surtout insisté sur l’importance de réduire notre dépendance au marché américain pour la vente de pétrole (en misant sur l’Asie) et sur son désir de freiner « l’augmentation faramineuse [du transport] de pétrole par rail ».

Par ailleurs, la décision ne peut pas être dissociée de la façon dont Justin Trudeau perçoit son rôle de premier ministre et de l’importance qu’il accorde, dans ce cadre, à la conciliation sur le plan fédéral. Au départ, l’idée de dire oui à l’agrandissement de Trans Mountain visait à convaincre l’Alberta de rallier son plan national sur le climat. Aujourd’hui, il est clair qu’il cherche à éviter d’antagoniser encore un peu plus les Albertains. On l’accuse de menacer l’unité du pays et il en prend acte, visiblement, même si ces attaques sont démagogiques.

Évidemment, le raisonnement de Justin Trudeau sonne faux si on estime – comme l’a plaidé Luc Ferrandez le mois dernier en annonçant son départ de la vie politique – qu’un « effort de guerre » est nécessaire « pour ralentir le rythme de destruction de notre planète ».

Ceux qui sont à la recherche de courage politique et de gestes fermes pour résoudre la crise écologique pourraient être tentés de passer leur chemin et de bouder les libéraux lors des prochaines élections. Mais Justin Trudeau fait le pari qu’un assez grand nombre d’électeurs préfèrent, comme lui, les solutions de compromis. Qu’ils estiment, comme le martèlent les libéraux depuis des années, qu’il est encore opportun de faire rimer économie et écologie.

D’ailleurs, il est vrai que les convictions environnementales des libéraux sont vérifiables. Plusieurs gestes faits ces dernières années les confirment.

De la taxe carbone à l’interdiction annoncée des plastiques à usage unique, en passant par les investissements dans les infrastructures vertes.

Justin Trudeau aura néanmoins fort à faire au cours des prochains mois pour prouver que malgré la relance de l’oléoduc Trans Mountain, son plan pour atteindre la cible d’émissions de gaz à effet de serre en 2030 (en vertu de l’accord de Paris) tient toujours la route.

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