Travailler avec Trump, « c’est être confronté au comportement le plus extrême et le plus déroutant qui se puisse concevoir », écrit Michael Wolff dans son plus récent livre au sujet du président américain, État de siège.

On a tendance à croire cet essayiste sur parole. D’ailleurs, on n’a même pas besoin de travailler avec le président pour être frappé de stupeur tant par ses mensonges et ses sournoiseries que par ses actes qui semblent souvent défier toute logique.

Tenez, pas plus tard que la semaine dernière : comment expliquer qu’il ait décidé d’insulter le maire de Londres avant même le début de sa visite au Royaume-Uni ? Et comment a-t-il pu qualifier les manifestations contre sa venue de « fausses nouvelles, en grande partie », prétextant avoir plutôt vu, lui, des « milliers de personnes » l’acclamer ?

Et comment interpréter sa décision, une semaine plus tôt, d’imposer de nouvelles taxes sur les importations mexicaines ? Elle a suscité une telle controverse que la Maison-Blanche vient de faire marche arrière. Non seulement les élus républicains ont-ils fait comprendre au président que leurs concitoyens allaient en payer le prix, mais ces taxes rendaient aussi plus hasardeuse la ratification du nouvel accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique qui, depuis la levée des tarifs sur l’aluminium et l’acier pour les deux pays, était à portée de main.

On pourrait continuer cette énumération pendant des heures en remontant le fil des événements des deux dernières années.

Avec ce président républicain, chaque semaine apporte son lot d’invraisemblances.

C’est pourquoi le plus récent livre de Michael Wolff – qui sera en librairie demain – étanche une soif : celle de mieux comprendre Donald Trump.

L’auteur du best-seller Le feu et la fureur (vendu à cinq millions d’exemplaires) ne nous fait pas, cette fois, pénétrer dans les coulisses de la Maison-Blanche. Il tente plutôt de nous faire entrer dans la tête de Donald Trump. De nous expliquer son modus operandi.

S’il jouissait jadis d’un accès exceptionnel, ce n’est visiblement plus le cas. N’empêche, il dit encore posséder de bonnes sources dans l’orbite de Donald Trump et il demeure visiblement en contact étroit avec Steve Bannon. Et cet ancien stratège semble comprendre le président mieux que quiconque.

Il explique à Michael Wolff qu’une des grandes forces de Donald Trump, c’est d’avoir « ramené le sens du spectacle dans la politique américaine ». Et d’ajouter : « Il connaît son public. » D’où, notamment, ses sorties controversées et tapageuses. En revanche, le président « est incapable de suivre la moindre ligne directrice » et possède un côté « profondément autodestructeur ».

Ce qui fait dire à Michael Wolff que « chaque pas qu’il fait dans la bonne direction, dans n’importe quelle direction, est menacé, aussitôt après, par une vilaine embardée ». Une conclusion qui s’applique tant au voyage européen de Donald Trump qu’aux nouveaux tarifs visant les Mexicains, mais aussi, en fait, à l’ensemble de sa présidence.

Le chaos quotidien à Washington se comprend mieux, par ailleurs, lorsque l’écrivain nous explique que Donald Trump insiste pour que le mode de fonctionnement de la Maison-Blanche soit calqué sur celui de la Trump Organization : « Une entreprise dont la raison d’être est de le satisfaire et qui doit s’appliquer à suivre le fil tortueux de son impulsivité. »

Michael Wolff et ses sources démontrent aussi pourquoi la politique étrangère du président donne lieu à de si nombreux cafouillages.

L’échec de la stratégie nord-coréenne du président américain est scruté avec attention dans État de siège. On raconte le désintérêt le plus total du président pour les enjeux de son premier sommet avec Kim Jong-un.

« Voilà un sujet dont il ne sait rien. Personne ne peut le briefer parce qu’il n’y comprend rien. Alors on laisse tomber. On lui dit que le nucléaire est pire que tout en espérant qu’il pige », résume Steve Bannon. On a envie d’en rire, mais c’est tout sauf drôle.

Ajoutez à cela le fait que Donald Trump serait à la fois narcissique et imbu de lui-même et vous comprenez pourquoi tant d’initiatives se terminent en queue de poisson. « Il est, à ses propres yeux, un maître bonimenteur, un séducteur rusé, l’homme le plus charmant du monde », écrit Michael Wolff. Il est donc persuadé qu’il « peut convaincre n’importe qui de n’importe quoi ».

À Washington, ça n’a « absolument jamais fonctionné », estime Steve Bannon. Et il n’y a pas que le dossier nord-coréen qui nous en fournisse la preuve. Tristement, Donald Trump semble plus efficace lorsqu’il donne dans l’intimidation, un autre des instruments de son arsenal politique dont il se sert souvent.

Si ce deuxième essai de Michael Wolff est moins passionnant que son premier, si l’auteur s’égare lorsqu’il tente de décrypter la relation de Trump avec sa femme Melania et son fils Barron (son chapitre à ce sujet se base sur des rumeurs et du potinage, c’est navrant), son livre demeure néanmoins une intéressante contribution au corpus visant à expliquer le phénomène Trump.

Michael Wolff, comme bien d’autres (incluant le journaliste du Washington Post Bob Woodward et tous ceux qui relatent les faits et gestes de Donald Trump au quotidien), fait une fois de plus œuvre utile.

Son livre offre un réconfort similaire à celui qu’on tire de la lecture du manuel d’instructions qui permet de monter un meuble IKEA. Il nous aide à mettre en place les pièces d’un casse-tête complexe en brossant le portrait d’un homme qu’il qualifie – avec raison – de « personnage américain extrême, presque hallucinatoire ».

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