François Legault n’a pas encore de plan vert détaillé, mais il a une vision. Hier, le premier ministre a esquissé les contours d’une politique environnementale à saveur caquiste. C’est un indéniable progrès.

On le sait, avant son élection, l’environnement ne l’avait jamais trop préoccupé. Il a fini par reconnaître que cela manque à son programme, et il s’est engagé à y remédier. On commence à en voir le résultat.

Lors de son conseil général cette fin de semaine, il a intégré la défense de l’environnement à ses valeurs. Comment? En la conjuguant aux deux moteurs de son engagement politique : l’économie et le nationalisme.

Pour atteindre ses cibles de réduction de gaz à effet de serre, le Québec doit moins consommer de pétrole. Or, tout ce pétrole est importé. Des milliards quittent ainsi le Québec pour enrichir ses voisins. M. Legault y voit un projet d’autonomie énergétique. Il veut accélérer l’électrification des transports, des entreprises et des bâtiments – finies, les écoles chauffées au mazout. Cela se ferait en utilisant l’énergie d’Hydro-Québec. Et cela se ferait autant que possible en développant les tramways, métros et autres technologies chez nous.

Plus concrètement, comment s’y prendra le premier ministre? On ne le sait pas encore. Le plan sera déposé en 2020. Étant donné la complexité du dossier, il est raisonnable de prendre ce temps pour bien faire le travail.

Bien sûr, cela peut sembler un peu mince en détails, mais l’évolution est majeure. Il n’y a pas si longtemps, c’est au nom du même nationalisme économique que M. Legault voulait exploiter le pétrole et le gaz québécois, pour remplir nos voitures.

Autre virage en 2015, le chef caquiste défendait les projets d’oléoduc traversant le territoire québécois. Hier, il a plutôt défendu les citoyens inquiets par un récent jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique. La cour y a déclaré qu’une province ne peut à elle seule bloquer un projet pancanadien. M. Legault a répliqué qu’un tel dossier n’était pas que juridique et qu’une société pétrolière doit aussi obtenir l’acceptabilité sociale.

Reste que le discours de M. Legault contient encore des incongruités, comme on l’a constaté hier en clôture de son conseil général.

D’entrée de jeu, le chef caquiste a lancé un avertissement : même s’il est ouvert aux suggestions pour protéger l’environnement, il ne pliera pas devant les « groupes de pression ». Pourtant, il n’a pas glissé un mot sur les sociétés gazières, qui constituent au moins autant un « lobby » que la jeunesse qui marche dans la rue...

M. Legault s’est aussi vanté de son « ambition » de réduire la consommation de pétrole de 40 % d’ici 2030 ou d’exporter notre hydroélectricité au Massachusetts et à la ville de New York. Ce sont en effet des projets ambitieux, mais il n’en est pas l’instigateur – tout cela existait avant son élection.

M. Legault a rappelé avec raison que les exportations d’Hydro-Québec réduiraient de façon majeure les émissions de nos voisins américains. Il a raillé « ceux qui font comme si les seules actions qui comptent, ce serait [celles faites au Québec] ». Étrange déclaration. Car après tout, ce « ceux », ce sont les 196 pays du monde qui ont signé l’Accord de Paris. C’est ainsi que fonctionnent les négociations climatiques : chaque pays se dote de cibles pour les émissions chez lui, sans calculer ce qu’il importe ou exporte. Si M. Legault veut changer cette logique, alors il devra intégrer au bilan du Québec le pétrole importé pour remplir nos voitures. Malgré ces commentaires, il faut reconnaître que M. Legault s’est clairement engagé hier à respecter l’objectif de baisser nos émissions de 37,5 % d’ici 2030.

Le chef caquiste a aussi souhaité que son gouvernement réalise un nombre record de projets de transports collectifs. Encore une fois, bravo. Mais dans ce cas, pourquoi investit-il encore plus dans les routes que dans les transports collectifs ?

Enfin, M. Legault répète qu’il ne se transformera pas en « géant vert » comme Philippe Couillard. Ce faisant, il laisse entendre que protéger l’environnement est négatif. Et, encore plus inquiétant, il laisse entendre que son prédécesseur, qui en faisait peu, en faisait tout de même trop.

Autre source d’irritation, son ministre de l’Environnement, Benoît Charette, caricature les écolos en extrémistes pour mieux poser ensuite en homme raisonnable. Il assure que son gouvernement n’empêchera pas les Québécois de faire des enfants, et n’interdira pas non plus les voitures en région. On est soulagé d’apprendre que le ministre a trouvé la solution à la menace qu'il a inventée...

M. Charette répète qu’il sera « pragmatique ». C’est peut-être rassurant, mais ça ne veut rien dire. Qu’il oublie les adjectifs et parle de chiffres : quelle mesure réduira les GES de combien de tonnes, et d’ici quelle année ? Le reste n’est que du vent.

Mais ne perdons pas de vue l’essentiel. Le premier ministre Legault est en train, lentement mais sûrement, de trouver sa façon de lutter contre les changements climatiques. Il y croit et il s’est mis en marche dans la bonne direction. Il ne lui reste plus qu’à continuer sur son élan.

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