Et maintenant, le Québec… Une demande d’action collective contre Monsanto et sa société-mère, Bayer, vient d’être déposée au nom de tous les résidants de la province qui ont reçu un diagnostic de lymphome non hodgkinien après avoir utilisé le populaire herbicide Roundup, ou y avoir été exposés.

Ce recours s’ajoute à plus de 13 000 autres qui attendent le géant agrochimique devant les tribunaux américains, et aux centaines de millions de dollars qu’il a déjà été condamné à verser aux États-Unis. Une entreprise si contestée réussirait-elle encore à faire l’objet d’une transaction aussi enviable que celle de Monsanto ? On espère que non !

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’acquisition de Monsanto coûte cher à Bayer.

Le titre de la société allemande a perdu plus de 40 % de sa valeur depuis que les deux entreprises se sont entendues, à l’automne 2016. Et les actionnaires ne cachent plus leur colère. À l’assemblée générale, le mois dernier, seulement 55 % des voix ont appuyé la direction, contre 97 % l’année précédente. Le vote a beau être sans conséquence, la claque n’en est pas moins retentissante.

Le grand patron a défendu sa stratégie, mais il a bien été obligé d’admettre l’évidence. « Les poursuites et les premier verdicts concernant le glyphosate font peser un lourd fardeau sur notre société », a reconnu Werner Baumann.

Monsanto a beau répéter depuis des années que le glyphosate, principal ingrédient actif de son célèbre Roundup, est sécuritaire lorsqu’utilisé selon les indications, trois tribunaux américains l’ont envoyée sur les roses depuis moins d’un an.

Le premier jugement, en faveur d’un préposé à l’entretien californien, a eu des échos dans le monde entier. Et même si le montant accordé a été réduit de plus de 70 %, de 289 à 78 millions de dollars américains, l’impression négative, elle, est loin de s’être estompée. Elle s’est plutôt renforcée avec le jugement suivant, en mars dernier, et, surtout, le troisième, prononcé ce mois-ci, qui a accordé deux milliards de dollars à un couple.

Oui, cette somme sera probablement réduite de beaucoup elle aussi. Et oui, les trois causes ont été entendues en Californie par des jurys sensibles aux cancers des plaignants et qui n’ont pas eu à se demander si ceux-ci avaient réellement été causés par l’herbicide. Mais le mal est fait.

Les poursuites s’accumulent, et dans moult endroits, on parle d’interdire les pesticides contenant du glyphosate. Non seulement Monsanto n’a pas le choix de se défendre, mais les informations qui ressortent à l’occasion de ces procès, en particulier avec les Monsanto Papers, noircissent aussi son image dans l’esprit d’un public de plus en plus large.

Bayer, dont le nom demeure auréolé de la réputation de l’aspirine, avait-elle vraiment besoin de ça ?

Certes, l’acquisition de Monsanto l’a propulsée au premier rang mondial du secteur agricole. Elle est en phase avec la consolidation de l’industrie, qui a vu ChemChina racheter Syngenta, et Dow Chemical fusionner avec DuPont. Et l’intégration de Monsanto devrait contribuer au bénéfice par action dès cette année, en plus de générer un milliard d’euros de synergies par an à partir de 2022, a aussi fait valoir le patron de Bayer à l’assemblée générale.

Il reste que la direction et les actionnaires de Monsanto ont été drôlement chanceux. 

La prise de contrôle annoncée à la fin de 2016 était non seulement la plus importante jamais réalisée par une société allemande, mais il s’agissait aussi alors de la plus grosse acquisition au comptant de l’histoire. 

Le premier verdict défavorable est tombé moins de trois mois après la clôture de la transaction. Werner Baumann a beau vanter sa stratégie, on ne l’imagine pas faire la même transaction dans les conditions actuelles.

Certes, les gens de Bayer ne pouvaient pas lire l’avenir. Ni, donc, deviner que trois jurys, coup sur coup, condamneraient Monsanto à des centaines de millions de dollars de dommages, et qu’un Niagara de poursuites s’ensuivraient.

Mais s’ils avaient été un peu plus sensibles à leur époque, ils auraient réalisé le peu de sympathie populaire dont jouissait Monsanto, et l’embarras que pourraient causer certaines de ses informations internes. Ils auraient alors compris que tout ça finirait par rattraper l’entreprise… et son nouveau propriétaire dans la foulée.

Bayer demeure convaincue qu’elle finira par avoir gain de cause en appel. Ce n’est pas exclu, mais en attendant, elle devra vivre avec les conséquences de ses choix, dont tous ces litiges qui pèsent sur la valeur de son titre. Pour les autres PDG ambitieux qui rêvent de transactions spectaculaires sur la seule base de leurs avantages théoriques, c’est un pensez-y-bien.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion