On craint en général les pitbulls parce qu’ils sont capables de vous défigurer avec une facilité déconcertante et qu’ils peuvent même aller jusqu’à vous dévorer ; de telles tragédies font la manchette et frappent l’imagination, avec raison.

Mais bon nombre d’élus, eux, semblent craindre davantage… les défenseurs des pitbulls. Le sort de ces chiens est un enjeu extrêmement polarisant et ceux qui veulent les protéger à tout prix sont motivés, passionnés et dans certains cas véhéments. Si bien que ces politiciens marchent visiblement sur des œufs et demeurent trop timides quand vient le temps de protéger les citoyens.

Avec le projet de règlement présenté il y a quelques jours, qui découle directement du projet de loi adopté l’an dernier sous le gouvernement libéral, la CAQ n’ose même pas. Les libéraux avaient également été très frileux, promettant initialement « d’interdire les chiens de type pitbull » avant de changer d’idée. On se souviendra par ailleurs qu’à Montréal, Denis Coderre avait interdit toute nouvelle adoption de pitbull… pour ensuite voir cette décision renversée par Valérie Plante dès son arrivée au pouvoir.

« Dès que quelqu’un ose parler contre les pitbulls, il y a un tollé », souligne en entrevue Lise Vadnais, qui dit elle-même avoir été attaquée et intimidée à la suite de la mort de sa sœur Christiane en 2016.

Dans un livre qu’elle vient tout juste de publier, Mme Vadnais cite d’ailleurs toute une série de messages haineux et menaçants reçus à la suite de ses interventions publiques. Elle réclamait, notamment, la stérilisation de tous les pitbulls et la fin des adoptions. C’était raisonnable. Ce fut pourtant perçu, par plusieurs, comme une hérésie.

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Les pitbulls et autres chiens dangereux viennent donc de remporter une autre importante bataille au Québec. Ils n’ont toutefois pas gagné la guerre. Car le projet de règlement présenté est un pas dans la bonne direction.

On ne parle pas ici de prévention, c’est vrai. Et c’est un acte manqué. Mais si l’initiative est mise en œuvre par l’ensemble des acteurs concernés, on aura au moins les outils pour agir, lorsqu’un chien aura mordu, afin d’éviter qu’il ne fasse d’autres victimes.

Les médecins et les vétérinaires seront dorénavant dans l’obligation de signaler aux municipalités les blessures faites, par un chien, à une personne ou à un autre animal domestique. Par la suite, les municipalités pourront déclarer ce chien « potentiellement dangereux » et, dans certains cas (mort ou blessures graves), exiger l’euthanasie de l’animal. Elles auront aussi la possibilité d’interdire à un propriétaire de posséder un chien.

Tout ça, bien sûr, si le projet de la CAQ fonctionne comme prévu. Déjà, les vétérinaires se rebiffent et disent avoir peur de briser la relation de confiance qu’ils développent avec les propriétaires de chiens (ils ne réalisent visiblement pas que c’est la relation de confiance qu’ils ont avec l’ensemble de la population du Québec qu’ils mettent en péril quand ils font preuve de mauvaise foi dans le dossier des pitbulls).

Les petites municipalités, elles, se demandent si elles auront les moyens d’appliquer le règlement. Leurs inquiétudes sont légitimes. Elles méritent d’être rassurées par Québec.

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À ces préoccupations, ajoutons une importante recommandation : si l’on veut être un jour en mesure de prévenir plutôt que guérir, le ministère des Affaires municipales devrait compiler tous les chiffres sur les morsures et les blessures reçus par les municipalités et les diffuser sur une base régulière. Les débats sur la dangerosité des chiens pourront ainsi, enfin, reposer sur des données aussi fiables qu’exhaustives pour l’ensemble du Québec.

Confirmeront-elles la tendance qui semble se dégager à Montréal ? Selon les chiffres offerts par la Ville hier, les pitbulls sont encore surreprésentés au chapitre des morsures.

L’an dernier ce type de chien était responsable de « 30 % des cas de morsures signalés au SPVM dont la race était mentionnée au rapport », alors qu’il ne représente que 6 % des chiens enregistrés à Montréal. En 2017, 3 % des permis étaient liés à des chiens de type pitbull et ceux-ci étaient à la source de 37 % des morsures. Et depuis le début de l’année 2019, on a atteint 26 % des morsures.

« Nous agissons pour la sécurité des Québécois », a dit la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, dans la foulée du dépôt du projet de règlement. Fort bien, mais soyons honnêtes : le gouvernement provincial, tout comme la Ville de Montréal, a aussi choisi d’agir pour ne pas piquer au vif les défenseurs des pitbulls et autres chiens jugés potentiellement dangereux.

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