L’automne dernier, lors d’un débat électoral, on avait demandé à François Legault « pour quelle promesse non tenue » il serait prêt à démissionner. Il avait répondu sans hésiter : la maternelle 4 ans !

On le comprend d’avoir voulu montrer qu’il s’agissait d’une priorité pour lui. Mais le problème avec un engagement aussi lourd de conséquences, c’est qu’il peut pousser le premier ministre et son ministre de l’Éducation à s’entêter même s’ils se rendent compte qu’il va falloir faire rentrer des ronds dans des carrés.

Alors, mettons les choses au clair une bonne fois pour toutes : Monsieur le Premier Ministre, même si vous n’atteignez pas vos objectifs initiaux dans ce dossier, on ne va pas vous en tenir rigueur. Plutôt le contraire.

N’oublions pas que les meilleurs gouvernements ne sont pas seulement ceux qui tiennent leurs bonnes promesses. Ce sont aussi ceux qui osent rectifier le tir lorsque la situation l’impose.

Et dans le cas des maternelles 4 ans, l’idée d’enrôler la quasi-totalité des enfants d’un bout à l’autre du Québec tel que promis lors de la campagne n’était pas réaliste. L’explosion des coûts, confirmée la semaine dernière par le ministre Jean-François Roberge à la suite d’un reportage du journaliste Tommy Chouinard, en a fait une fois de plus la démonstration.

La CAQ avait évalué l’an dernier qu’il faudrait débourser en moyenne 122 400 $ pour chaque classe à construire. Désormais, on parle plutôt de 800 000 $ par classe. Ça va donc coûter, grosso modo, six fois plus cher que prévu (sauf dans le cas, évidemment, où on peut utiliser des locaux vides ; le Ministère estime qu’il y en a près de 950).

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On a beau avoir fait grimper le budget de l’Éducation, la capacité financière du gouvernement n’est pas illimitée. Or, l’implantation des maternelles 4 ans ne doit pas se faire au détriment des autres priorités du réseau qui, on le sait, sont nombreuses. À Montréal, par exemple, on manque déjà de locaux pour desservir les élèves actuels et on peine à trouver suffisamment d’enseignants. Dans ces circonstances, l’idée de desservir tous les enfants ne tient pas la route.

D’autant plus que la situation au Québec est différente de l’Ontario, qu’on cite souvent quand on veut montrer que ce virage peut se faire avec succès. La province ne disposait pas d’un réseau de services de garde éducatifs comme celui qui fait la fierté du Québec (qui pourrait d’ailleurs être marginalisé encore un peu plus si la CAQ met tous ses œufs dans le même panier, celui des maternelles 4 ans).

Attention ! On n’est surtout pas, ici, en train de suggérer de jeter le bébé avec l’eau du bain. Le développement d’un réseau de maternelles 4 ans est un projet judicieux qui repose sur des données probantes. Des milliers d’enfants qui bénéficieraient d’interventions précoces ne se retrouvent pas dans les centres de la petite enfance (CPE), d’où l’utilité de leur permettre d’accéder à la maternelle dès l’âge de 4 ans. Le gouvernement libéral avait d’ailleurs commencé à en implanter pour les jeunes de milieux défavorisés. On en dénombre déjà tout près de 400.

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Ce qui est dorénavant rassurant, c’est que Jean-François Roberge se montre prêt à mettre de l’eau dans son vin. Une récente consultation lui a appris que seul un parent sur deux se dit prêt à inscrire son enfant de 4 ans à la maternelle. Le ministre n’envisage donc plus la construction de 5000 nouvelles classes tel qu’évoqué l’an dernier pour 90 % des enfants de 4 ans, mais plutôt « entre 2500 et 3000 » classes pour en accueillir environ 50 %, nous a-t-il dit en entrevue.

En ce qui concerne Montréal, il s’est par ailleurs engagé à « d’abord garantir une classe pour chaque enfant dont la scolarisation est obligatoire » avant d’offrir des locaux pour les maternelles 4 ans.

Prenons donc le temps de bien faire les choses quant à l’implantation de la maternelle 4 ans.

De s’assurer que les nouvelles classes seront construites là où les enfants en ont le plus besoin et qu’elles vont l’être en complémentarité avec le réseau des CPE qui, lui aussi, doit être bonifié en parallèle.

Parce qu’au final, on ne jugera pas François Legault en vertu du nombre de classes créées pour les enfants de 4 ans. C’est l’objectif qui importe et non les moyens qu’on se donne pour l’atteindre : les réformes doivent permettre, à long terme, de faire grimper le nombre de jeunes qui vont faire leur entrée à l’école mieux outillés et moins vulnérables.

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