Voilà un dossier où les gouvernements se sont assis sur leurs mains. Un autre.

La Biosphère a beau être un de ces rares trésors du patrimoine montréalais qui jouissent d’une réputation mondiale, elle a été négligée pendant des années. On a joué avec sa survie, on a menacé de lui retirer sa vocation, on a envisagé de la transformer en vulgaire bureau de fonctionnaires, puis on a simplement décidé de maintenir le statu quo, non sans couper la presque totalité des vivres au musée qui s’y trouve…

Et comme si ce n’était pas suffisant, on a également laissé s’écouler le bail de 25 ans de la Biosphère, signé en 1995, sans se poser de questions sur la suite… pour enfin se réveiller à minuit moins une.

Ah oui, c’est vrai ! On a dans notre cours une icône de l’architecture moderne internationale ! Faudrait bien réfléchir à ce qu’on va en faire quand elle sera vacante.

PHOTO GILLES HERMANN, ARCHIVES DE LA VILLE DE MONTRÉAL

Incendie du dôme, le 20 mai 1976

Car voilà : la seule et unique certitude dans ce dossier, c’est que le bail du magnifique dôme signé Buckminster Fuller se termine officiellement au mois de décembre, dans huit mois à peine…

Donc on fait quoi?

On ne sait pas.

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Dans le flou entourant l’avenir de la Biosphère, on a donc décidé d’annoncer il y a quelques jours la mise sur pied d’un comité de travail réunissant Ottawa, Québec et Montréal, et pour se donner une minuscule marge de manœuvre, on prolonge le bail de 12 petits mois.

Ces gestes faits in extremis sont une bonne nouvelle en soi, soyons honnêtes. C’est mieux que de réfléchir au sort de ce chef-d’œuvre après l’avoir vidé de ses occupants, ce qui est souvent la meilleure façon d’abandonner un bâtiment patrimonial…

Mais il faut aussi être réaliste, sans complaisance. Ce rare vestige de l’Expo n’a jamais été suffisamment mis en valeur depuis 1967, et rien ne prouve que l’action de dernière minute y changera quoi que ce soit.

Il y a donc de bonnes raisons d’être méfiants pour l’instant, ou à tout le moins sceptiques. Surtout quand on voit que « les détails du comité n’ont pas encore été convenus entre les trois parties impliquées », selon le gouvernement Legault.

Un comité, en outre, dont la mission semble bien molle : « explorer des pistes de solution » dans le but de « développer une vision et des modèles » afin d’en arriver à un « partenariat éventuel »…

Hum.

Il faudra un peu plus d’enthousiasme et de volonté pour rendre hommage comme il se doit à ce jalon de l’architecture contemporaine mondiale.

Il faudra, autrement dit, plus qu’une recommandation intégrée à un plan d’action.

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Le pire, c’est que la vocation future de la Biosphère s’impose quasiment d’elle-même.

Le dôme géodésique a été conçu par un pionnier des questions environnementales, Richard Buckminster Fuller.

PHOTO WIKIMEDIA COMMONS

Le dôme est une création de l’architecte américain Richard Buckminster Fuller (à gauche).

Il est déposé en plein milieu d’un magnifique parc qui baigne dans le majestueux fleuve Saint-Laurent.

Et il possède une vocation écologique.

Il est donc évident que déjà, sans rien faire, « la Biosphère représente une icône de la conscience environnementale, et ce, à l’échelle mondiale », comme le précise l’architecte Éric Gauthier qui a réaménagé la structure intérieure du dôme en 1992.

Il suffirait donc, 25 ans plus tard, d’un pas en avant pour en faire une véritable institution muséale consacrée à l’environnement, et plus particulièrement aux changements climatiques, à leurs répercussions et à leurs solutions.

Le Québec a les deux pieds dans l’eau depuis des semaines. Et que les crues records soient causées directement par les aléas climatiques ou pas, elles nous rappellent que la planète se dérègle. Qu’on doit en prendre conscience. Et surtout, qu’on ne peut faire autrement que de s’adapter.

C’est d’ailleurs précisément ce que disait dans les années 60 Buckminster Fuller, un écologiste visionnaire qui affirmait que la survie de l’humanité était compromise si nous continuions dans la même direction.

Le Regroupement pour un Musée canadien de l’environnement et du climat propose ainsi de transformer le petit musée actuel (qui n’en est pas un officiellement) en véritable institution muséale dotée d’une pérennité, avec les fonds nécessaires.

Le projet, conçu notamment par le cabinet d’architectes Lupien+Matteau, mise sur des expositions thématiques, mais aussi sur un centre de recherche et d’intervention sur l’environnement, des réserves pour des collections muséales, un espace de documentation météorologique et climatique, et, pourquoi pas, des bureaux d’organismes comme le consortium en climatologie Ouranos, par exemple.

« Il n’y a tout simplement pas de meilleur site pour accueillir une telle institution, et il n’y a surtout pas de meilleur bâtiment », souligne l’architecte et professeur en design de l’environnement à l’UQAM Philippe Lupien.

Mais pour ce faire, il faut d’abord réaliser qu’on a entre les mains un chef-d’œuvre architectural, l’un des rares capables de représenter Montréal à l’étranger d’un seul coup d’œil. C’est bien beau d’illuminer l’extérieur à coups de millions, mais il faudrait bien donner un peu d’amour à l’intérieur du bâtiment aussi.

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