SNC-Lavalin a-t-elle bénéficié d’un traitement de faveur pour ses contributions politiques illégales au fédéral ? Rien ne permet de le penser, mais le secret entretenu par le Commissaire aux élections fédérales alimente les pires spéculations. La crédibilité du gouvernement Trudeau n’est pas la seule égratignée dans cette affaire ; celle du Commissaire n’en ressort pas grandie non plus.

La publication par les réseaux anglais et français de Radio-Canada d’une liste de proches de SNC-Lavalin ayant servi de prête-noms à la firme montréalaise entre 2004 et 2011 a causé une onde de choc mardi. D’abord parce qu’on n’y retrouve pas seulement de simples employés, mais d’ex-membres de la direction et des conjoints. Ensuite et surtout parce qu’il a fallu que des médias s’en mêlent pour qu’on en découvre la teneur.

On a ainsi eu la confirmation que le mauvais exemple venait d’en haut chez SNC. Même l’ex-PDG Pierre Duhaime a été pris la main dans le sac, révèle cette liste établie, selon Radio-Canada, par le bureau du Commissaire fédéral.

Ceux qui n’ont toujours pas décoléré de voir M. Duhaime s’en tirer à si bon compte devant la Cour du Québec au début de l’année n’ont sans doute pas été surpris de voir son nom associé à un autre scandale. N’empêche : que le grand patron d’une multinationale se prête à un stratagème aussi grossier ne devrait pas être accueilli avec un haussement d’épaules.

La vraie surprise est toutefois venue du nom de Kathleen Weil, ex-ministre dans les gouvernements Couillard et Charest et toujours députée libérale au provincial. Mme Weil, qui est la conjointe d’un ex-vice-président de SNC, a nié en bloc. Non seulement ses dons à des partis politiques ont toujours été faits « par conviction » et « sans remboursement », mais le Commissaire ne l’a jamais contactée pour valider cette information, a-t-elle déclaré mardi.

Qu’en dit le Commissaire ? Pas grand-chose, malheureusement. Son bureau, qui refuse de commenter des cas spécifiques, s’est contenté d’évoquer le sérieux de son enquête, qui a duré plusieurs années. C’est un peu court. 

Son silence dans une cause aussi médiatisée est trop facile à détourner.

SNC-Lavalin a beau avoir fait le ménage dans sa direction et ses pratiques, elle est constamment rattrapée par son passé. Et ce qui était un embarras pour elle en est devenu un pour les libéraux fédéraux depuis sa demande, pourtant légitime, d’un accord de réparation visant à lui éviter les conséquences désastreuses d’un procès au criminel.

Cette casserole que le gouvernement Trudeau traîne depuis des mois s’était un peu tue ces derniers temps. Hélas, les révélations de cette semaine l’ont de nouveau agitée bruyamment, sans que l’on sache si c’est le moindrement justifié. Les électeurs méritent mieux.

Les renseignements permettant de découvrir les noms des personnes visées par une enquête doivent être tenus secrets, plaide-t-on au bureau du Commissaire, en citant la loi qui le régit.

Est-ce cette loi qui pose problème ou seulement son interprétation qui est trop restrictive ?

Il est urgent d’y voir, car cette histoire suscite des questions trop dérangeantes pour être laissées sans réponses.

SNC, rappelons-le, s’en est plutôt bien tirée dans cette histoire. L’entreprise, ayant promis de s’amender, a échappé à toute condamnation en 2016. Et un seul de ses ex-dirigeants a écopé d’une amende l’an dernier. A-t-elle bénéficié d’un traitement de faveur ? Rien ne porte à le croire.

Mais sachant que la majorité des contributions fautives ont été versées à des instances du Parti libéral du Canada et que le nom d’une députée québécoise est impliqué dans l’affaire, on voit mal comment on pourrait rester dans un tel flou. Si le Commissaire n’a pas le pouvoir de faire toute la lumière, Ottawa doit trouver moyen de le lui permettre. Il en va de la crédibilité de tous.

Lisez « Kathleen Weil défend sa réputation ».

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