Un camion-citerne rempli de diesel qui s'enflamme au coeur d'une grande ville, en pleine heure de pointe : ce genre d'événement donne froid dans le dos. L'accident survenu cette semaine sur l'autoroute 40 est certes tragique, mais il aurait pu être encore plus grave. Il doit maintenant servir de signal d'alarme et nous forcer à évaluer chaque maillon de la chaîne du transport routier de matières dangereuses au Québec.

On ne sait pas encore ce qui a causé l'accident survenu mardi, mais les solutions fusent déjà. Interdire le transport des matières dangereuses sur certaines routes. Le faire à certaines heures. Agencer les péages de façon à réguler le trafic. Certaines idées apparaissent intéressantes, mais il faudra en évaluer les impacts. Si on ferme une route aux camions, par exemple, ceux-ci iront ailleurs. Il n'est pas sûr que le risque global diminuera.

L'important à ce stade-ci n'est pas de lancer des idées et de trouver des coupables, mais de s'assurer que le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal mettent en place des mécanismes capables d'évaluer chaque aspect du transport des matières dangereuses de façon rationnelle. Il faut aussi s'assurer que des suivis seront faits, que les rapports ne seront pas tablettés et que cet accident ne sera pas oublié lorsque d'autres enjeux d'actualité auront amené l'attention publique ailleurs. Si de nouvelles réglementations sont adoptées, il faudra finalement débloquer les ressources afin qu'elles soient appliquées.

Bref, nos élus ont maintenant le devoir de prendre les mesures nécessaires pour que les discussions se transforment en analyses, puis que les analyses se transforment en actions concrètes.

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Pas moins de 70 % des matières dangereuses au Canada sont transportées par camion. Qu'on le veuille ou non, des véhicules lourds chargés de liquides inflammables, de gaz comprimés et de matières toxiques continueront à circuler sur nos routes, y compris à Montréal. On ne peut rester sans rien faire et présumer que les façons de faire actuelles sont optimales.

Le Québec compte une pléiade de spécialistes qui se sont intéressés au transport des matières dangereuses. Misons sur cette expertise. « Nous parlons d'un domaine où la science est en avance sur les pratiques », estime Vedat Verter, professeur de gestion opérationnelle à la faculté de gestion Desautels de l'Université McGill, qui se dit convaincu qu'il existe des façons de réduire les risques.

Il avertit cependant qu'il faudra de la « détermination politique ». Les autorités se buteront nécessairement à des compromis entre la sécurité et les coûts.

Oui, les impacts économiques des mesures doivent être pris en compte. Mais le gouvernement devra résister aux lobbys du camionnage et de l'industrie et faire ses choix sur une base rationnelle.

Dans toute cette analyse, l'autoroute Métropolitaine devra faire l'objet d'une attention spéciale. Cet axe routier est vieux et imparfait, mais il demeure incontournable pour plusieurs industries, notamment les raffineries de l'est de Montréal. Les courbes, les multiples entrées et sorties et le lourd trafic de la Métropolitaine favorisent les accidents. Il faut voir comment on peut en atténuer les effets.

Les accidents sont toujours à déplorer, mais ils peuvent forcer des changements. En 2000, un camion-citerne s'est renversé sur une voie de desserte de l'autoroute 40, tuant son conducteur et provoquant un incendie. La tragédie a illustré la facilité avec laquelle les citernes se renversent lorsque les liquides qu'ils contiennent sont déplacés. Depuis 2006, des systèmes de stabilisation électronique sont exigés sur les citernes.

Mardi dernier, le transport des matières dangereuses est soudainement devenu une préoccupation au Québec. Il faut maintenant pousser l'exercice jusqu'au bout.

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