Après une décennie d'existence, la Cour pénale internationale vient d'obtenir il y a une dizaine de jours sa première condamnation: Thomas Lubanga, chef d'une milice congolaise qui a enrôlé des enfants soldats de moins de 15 ans au début des années 2000.

Bien qu'historique, cette première condamnation traduit bien les difficultés de la communauté internationale à faire traduire en justice les criminels de guerre. Au terme d'un procès de trois ans, le procureur Luis Moreno-Ocampo a obtenu sa victoire à l'arraché, évitant l'avortement du procès à deux reprises en appel mais pas les critiques au fait qu'il aurait aussi dû inclure des accusations de vol, viol et meurtre de civils.

La contradiction est flagrante: depuis le Printemps arabe, la communauté internationale n'a jamais eu autant d'occasions de juger des criminels de guerre, mais les salles d'audience de la Cour pénale internationale ne sont pas bondées pour autant. Outre Thomas Lubanga, 23 personnes sont présentement accusées devant la Cour. Le problème, c'est que neuf d'entre eux sont introuvables malgré un mandat d'arrêt international. Parmi ces fugitifs, le président soudanais Omar el-Béchir et le chef des rebelles ougandais Joseph Kony.

Si frustrante soit-elle pour les pays qui appuient la Cour, la situation n'est pas aussi désespérée qu'elle n'en a l'air. Plusieurs criminels de guerre ont été jugés dans le pays où ils ont commis leurs crimes. Rien d'anormal, la Cour étant un tribunal de dernier ressort en cas de manque de volonté ou d'incapacité du système judiciaire des pays où les crimes ont été commis. C'est ainsi que Saddam Hussein a été jugé, condamné et pendu en Irak, et que Hosni Moubarak a subi son procès en Égypte (il a plaidé non coupable et connaîtra sa sentence le 2 juin).

Dans la foulée des expériences du Rwanda et de la Yougoslavie dans les années 90 et 2000, l'ONU a aussi instauré deux tribunaux spéciaux pour le Liban et la Sierra Leone. C'est dans ce dernier tribunal, petit frère de la Cour pénale internationale, que l'ex-dictateur du Liberia Charles Taylor attend présentement son verdict.

Un condamné en 10 ans, c'est peu, mais le bilan de la justice pénale internationale n'est pas qu'une affaire de chiffres. Pour gagner en condamnations, la Cour pénale internationale doit gagner en autorité en Afrique du Nord, aux États-Unis, en Chine et en Russie, des pays où le Statut de Rome créant la Cour n'est pas ratifié. En théorie, les criminels de guerre peuvent s'y promener en toute impunité.

Et même quand son autorité n'est pas contestée, la Cour est souvent confrontée aux réalités politiques locales. Dans le cas de la République démocratique du Congo, Thomas Lubanga a été condamné pour avoir enrôlé des enfants soldats, mais son numéro deux Bosco Ntaganda échappe toujours au mandat d'arrestation de la Cour émis en 2006. Lui s'est rallié au camp du président Joseph Kabila.

vbrousseau-pouliot@lapresse.ca

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