Le jury est une institution essentielle de notre système de justice. La tâche des jurés est difficile et souvent déchirante - pensons au procès de Guy Turcotte. Le gouvernement Charest a bien fait d'augmenter leurs indemnités de 90$ à 103$ par jour, et à 160$ par jour pour les procès de longue durée à partir de la neuvième semaine.

Avec ces hausses annoncées lundi, les jurés québécois continueront d'être les mieux rémunérés au pays en toutes circonstances. Certes, Québec est plus généreux que les autres provinces, mais les jurés restent indemnisés sur une base raisonnable (revenu annuel de 26 780$ au départ et 41 600$ après la neuvième semaine). D'autant plus que ces indemnités sont imposables.

Tant qu'à revoir le mode de compensation des jurés, le gouvernement Charest aurait dû pousser sa réflexion plus loin et s'inspirer de deux de ses voisins. Terre-Neuve est la seule province canadienne à exiger des employeurs de payer le salaire d'un employé-juré durant le procès. Dans l'État de New York, les entreprises de plus de 10 employés doivent au moins payer l'indemnisation (40$ par jour) à la place de l'État pour les trois premiers jours. En toutes circonstances, les jurés new-yorkais qui continuent de recevoir leur salaire n'ont pas droit à l'indemnité de l'État.

Au Québec, l'employeur doit libérer mais n'est pas tenu de payer son employé-juré. La situation financière des jurés varie au gré des employeurs et des conventions collectives. À titre d'exemple, Desjardins, le plus important employeur privé au Québec, paie le salaire habituel moins l'indemnité de juré. Dans l'intérêt de la justice, le gouvernement doit exiger par loi que tous les employeurs du Québec fassent de même. Les jurés n'ont pas à subir de diminution de revenu pour accomplir leur devoir de citoyen. Et les employeurs ont leur part de responsabilité dans le fonctionnement du système judiciaire.

En contrepartie, le gouvernement Charest doit abolir l'indemnité pour les jurés du secteur public disposant déjà de leur plein salaire en vertu de leur convention collective. C'est le cas des fonctionnaires et de la grande majorité des employés du réseau de l'éducation, dont les profs. S'il est normal que le gouvernement montre l'exemple en payant le plein salaire de ses employés-jurés, Québec doit cesser de leur verser en plus une indemnité. Les conventions collectives du réseau de la santé prévoient déjà une solution: les employés-jurés reçoivent leur salaire moins l'indemnité de juré. Les employés de soutien du réseau de l'éducation, eux, reçoivent leur plein salaire, mais remettent leur indemnité au gouvernement.

Le ministre Jean-Marc Fournier ne veut pas faire de «discrimination» financière parmi les jurés. En réalité, ce sont les règles actuelles qui sont inéquitables pour les jurés du secteur privé qui peuvent subir une perte de salaire, alors que la plupart des jurés du secteur public voient leur revenu augmenter. Il ne s'agit pas de sommes importantes, mais tant qu'à ajuster l'indemnisation des jurés, aussi bien le faire équitablement.

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