Sans la présence fortuite d'une voiture de police devant le Collège Dawson, sans l'initiative d'un autre agent qui a traversé la ville pour répondre à un appel capté par hasard et sans les courageux réflexes de certains policiers, Kimveer Gill aurait probablement fait beaucoup plus de victimes.

Le coroner Ramsay le souligne à plusieurs reprises dans son rapport publié hier. Si les agents Diallo, Barcarolo et Côté n'avaient pas pris des risques considérables pour détourner l'attention du tueur, celui-ci aurait eu l'occasion de faire beaucoup plus de morts et de blessés. La reconstitution des événements fait néanmoins ressortir certaines lacunes importantes.

À commencer par le service 911. Le système qui a traité le premier signalement de Kimveer Gill n'était clairement pas à la hauteur. Par exemple, le logiciel censé fournir l'adresse du Collège Dawson a donné l'adresse de l'ancien campus, à un kilomètre de là! Certains aspects, notamment le nombre d'étapes requises pour traiter un appel, sont en voie d'être améliorés. Cependant, il faudrait s'assurer que les informations de base, comme l'adresse des édifices importants, sont à jour. Rappelons que c'est une policière qui se trouvait sur place pour d'autres motifs, et non l'appel au 911, pourtant effectué plus de trois minutes et demie plus tôt, qui a déclenché l'arrivée des renforts. S'il avait fallu compter sur la procédure normale, l'intervention aurait été retardée de plusieurs minutes. Un délai crucial, car c'est sans les premiers instants que ce genre de tueur fait le plus de dégâts.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) peut être fier de l'intervention de ses agents, mais son approche pourrait bénéficier de quelques ajustements. Les policiers qui étaient au Collège Dawson ne connaissaient pas la configuration des lieux, ce qui a grandement compliqué leur intervention. Désormais, nous dit-on, ils sont organisés pour que la centrale les informe en cours d'opération. Mais ils pourraient faire plus. Le chef de la sécurité de Dawson, qui voyait beaucoup mieux la scène d'où il se trouvait, a offert de guider les policiers par radio. Ceux-ci ont refusé. Il serait important que le SPVM adapte ses procédures. En établissant un contact avec le personnel de l'établissement dès le début de l'opération, comme le suggère le coroner, les policiers auraient non seulement eu une meilleure idée de ce qui se passait, mais ils auraient aussi pu sécuriser le périmètre plus efficacement. La sortie menant au métro est restée libre durant plusieurs minutes. On n'ose imaginer ce qui se serait produit si le tireur avait saisi l'occasion de se sauver par là.

Dans un autre ordre d'idées, il paraît également nécessaire que le ministère fédéral de la Sécurité publique amende son règlement sur les armes prohibées. La carabine CX4 Storm de Beretta que Kimveer Gill a utilisée n'existait pas au moment où il a été adopté. Mais selon le coroner Ramsay, l'esprit de la loi visait bel et bien ce genre d'engin paramilitaire facile à manier et à transporter. Il ne s'agirait donc que d'une simple mise à jour technique. Souhaitons qu'elle puisse se faire simplement, sans rouvrir un autre pénible débat sur l'encadrement des armes à feu?

Ces mesures peuvent contribuer à réduire le nombre de victimes, mais il serait préférable d'intervenir avant qu'une tragédie ne survienne. Pour ça, il n'y a pas 36 solutions: il faut prendre les menaces de passage à l'acte au sérieux, comme on a appris à le faire avec le suicide. La méthode n'est pas infaillible, mais elle donne des résultats. En tout cas, elle nous interpelle tous.

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