Il quitte l'État pour revenir à l'Église. Raymond Gravel ne représentera plus la circonscription de Repentigny à la Chambre des communes, comme il l'a fait pendant deux ans sous la bannière du Bloc québécois. Pour lui, le choix était de persévérer en politique et d'être alors remercié de ses services par le Vatican; ou bien d'obéir au Saint-Siège en renonçant à son siège de député. Or, «c'est ma vie, être prêtre», explique Gravel.

Dans un premier temps, l'évêque de Joliette, Gilles Lussier, lui avait accordé l'autorisation d'entrer en politique lors de l'élection partielle de 2006 dans Repentigny. Depuis, les positions politiques de Raymond Gravel lui ont valu des ennuis - ce n'était pas la première fois - et ont fait du bruit, à partir des lobbies religieux du Canada anglais, jusqu'au Vatican. Le député a ainsi refusé d'endosser le projet de loi conservateur C-484 (sur les droits du foetus, que plusieurs voient comme une menace à l'accès à l'avortement); et pris la défense de Henry Morgentaler en tant que récipiendaire de l'Ordre du Canada.

Quoi qu'il en soit, Raymond Gravel aura certainement mené sa brève carrière en politique active avec intelligence, dignité et modération.

Cependant, le dilemme éthique soulevé par l'affaire, lui, demeure.

Trois siècles après les Lumières, est-il opportun de mélanger à nouveau la politique et la foi? Un ministre du culte, quelle que soit l'étiquette religieuse qu'il affiche, peut-il administrer l'État s'il demeure lié à son Église?

On peut répondre par l'affirmative aux deux questions si l'on estime, d'une part, que toute personne - et pas seulement les prêtres, ministres, rabbins ou imams - est titulaire d'un système de croyances, fut-il celui de l'athéisme. Et, d'autre part, que les Églises constituées ne s'intéressent qu'à un pouvoir de nature morale, détaché de la réalité matérielle à laquelle se consacre la politique.

Or, il s'agit là d'une vision angélique des choses. Et ce, pour deux raisons.

La première est que les grands débats politiques d'aujourd'hui sont de nature morale. On le comprendrait mieux si, à la place d'un prêtre identifié au camp progressiste, avait siégé un ministre du culte marqué à droite, férocement antigai et antiavortement, qui aurait appelé son dieu à la rescousse de l'institution du mariage et des enfants à naître Quelles longues plaintes stridentes aurait-on alors entendues urbi et orbi contre cette complicité scandaleuse de l'Église et de l'État!

La deuxième raison est que, sur le plan humain, il y a une énorme différence entre croire, et engager toute sa vie dans la promotion de cette foi. Il faut à un homme ou à une femme une tournure d'esprit particulière, ainsi qu'une effrayante détermination, pour consacrer son existence à un tel sacerdoce. Ainsi, ceux qui sont «élus» à la fois par un peuple et par un dieu auront presque toujours tendance à faire passer le second en premier.

Sauf exception, bien sûr, et Raymond Gravel en aura certainement été une.

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