Les Jeux olympiques de Pékin n'ont pas encore débuté. Mais on peut dire une chose au sujet de la Chine: elle a déjà changé de statut dans l'imaginaire mondial et est devenue une véritable puissance. Une puissance que l'on critique dorénavant à la lumière des standards occidentaux en matière de droits de l'Homme et de libertés démocratiques, ce qui aurait été considéré comme une sinistre blague il y a à peine 20 ans.

La Chine a atteint cette position en un temps record. Et elle l'a fait avec une telle efficacité qu'elle est aujourd'hui l'objet, non seulement de blâmes rationnels et fondés, mais aussi de cette sorte particulière de hargne - s'exprimant notamment dans les ruelles sombres et haineuses de l'internet - jusqu'à maintenant réservée aux seuls États-Unis.

À Pékin, on peut le prendre comme une consécration et un hommage. Mais cela offre aussi la perspective d'un lourd boulet à traîner...

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Pour le pays le plus populeux de la planète, on dirait qu'aujourd'hui, tout va trop vite.

Car, en un temps record aussi, on y est passé d'un État totalitaire à un État autoritaire musclé, ce qui a permis de libéraliser la sphère économique et de sortir 300 millions de Chinois de la misère. La porte s'est un peu entrouverte à la critique intérieure de l'État, le nombre de manifestations autorisées ou non en témoignant. Les cadres juridiques de la vie en société ont évolué, ne serait-ce que par nécessité industrielle et commerciale. À petits pas, la circulation de l'information a, quoi qu'on en dise, également progressé.

Seulement, voilà: il est visible que le pouvoir chinois ne sait pas comment faire ensuite pour, à la fois, assurer sa pérennité et prendre moralement sa place dans le monde.

Ce n'est pas étonnant.

Le pays a une tradition millénaire d'inventivité, de labeur et de commerce: il s'est donc adapté en un instant au système économique mondial boudé pendant les années Mao. Mais il n'y a en Chine aucune tradition de droits, de libertés et de démocratie au sens où nous l'entendons, ce qui, combiné à l'extraordinaire force d'inertie d'un régime collectiviste et bureaucratique, promet des décennies encore de tâtonnement - ou même de recul sporadique, ce n'est pas exclu.

Du 13 juillet 2001, moment où les Jeux de 2008 ont été accordés à Pékin, jusqu'à ces derniers jours, les bris aux promesses formulées devant le Comité international olympique se sont multipliés. Et de façon parfois assez loufoque: ainsi, restreindre l'accès à l'internet sur la galerie de presse olympique est, même du point de vue d'un censeur, ridicule et inutile!

Maintenant, ce qui va se passer dans les faits au cours des prochaines semaines constituera un spectacle inédit. Un appareil d'État surtout connu il y a un quart de siècle pour ses tueries de masse, ses famines provoquées, ses camps de rééducation et sa justice «soviétique», verra débarquer en son sein les troupes de choc de la plus puissante machine d'information de l'Histoire.

Il est impossible que cela n'ait aucune conséquence.

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