Hydro-Québec aurait pu fermer sa centrale nucléaire Gentilly-2 à la fin de sa vie utile, en 2011. Elle a plutôt choisi d'investir 1,9 milliard pour la garder ouverte. La décision, compte tenu de l'information dont on dispose, apparaît justifiable du point de vue économique.

Remise à neuf, Gentilly produira à 7,2 cents le kilowattheure. Un tarif qui se compare avantageusement à des projets récents comme l'éolien et le barrage de La Romaine - environ 10 cents le kWh. Il y en a d'autres moins coûteux, comme Eastmain-Sarcelle-Rupert et Péribonka, (5 et 6 cents respectivement), mais ça ne se trouve pas sous la queue d'un castor. Hydro, comme tout exploitant de ressources naturelles, a développé ce qui était le plus facile en premier.

Les coûts annoncés cette semaine représentent plus du double des premières estimations. Mais l'essentiel n'est pas là. Les élus ont la vilaine habitude d'annoncer des projets à des prix ridiculement bas, laissant à d'autres l'odieux d'acquitter une facture majorée à la fin des travaux. Le retour à la réalité est toujours brutal, comme on l'a vu avec le métro de Laval et plusieurs hôpitaux. On parle alors, à tort, de dépassement de coûts, alors qu'il s'agissait tout simplement d'une évaluation de départ irréaliste. Si la note doit grimper jusqu'à 1,9 milliard, autant le savoir tout de suite. Rien ne sert de se bercer de l'illusion qu'on peut faire les travaux pour 800 millions, comme on le croyait il y a quelques années. Mais s'en tirera-t-on vraiment à moins de deux milliards? La société d'État assure que son devis est blindé et qu'il inclut une provision de 200 millions pour parer aux imprévus. Hydro n'ayant pas encore divulgué ses calculs, il faut se fier à la parole de son PDG. De toute façon, le temps sera le meilleur juge. Un dépassement de coûts rendrait le kilowattheure de Gentilly-2 pas mal moins avantageux.

Les opposants au nucléaire auraient évidemment préféré qu'Hydro mette la clé dans la porte. Mais la décision de fermer ou non Gentilly ne peut pas s'analyser de la même façon que s'il s'agissait d'ouvrir une première centrale nucléaire. Construire une installation équivalente coûterait trois fois plus cher aujourd'hui - à supposer que l'opinion publique le permette.

Sauf que Gentilly existe et nous fournit cinq térawattheures par an. On n'a pas le choix d'en tenir compte. À la limite, le Québec pourrait se passer de cette capacité pour l'instant, mais il en aura sans doute besoin au cours des 25 prochaines années. Les alternatives, nous l'avons vu, ne sont pas plus abordables. Et aucune, surtout pas l'éolien, n'est à l'abri de la critique.

Reste la question des déchets nucléaires. Les états financiers d'Hydro tiennent compte de ce qu'il pourrait lui en coûter pour en disposer, mais une note comptable n'annule pas la radioactivité. Le problème environnemental reste entier. Par contre, on exagère le risque d'accident lorsqu'on compare Bécancour à Tchernobyl. Le risque zéro n'existe pas, mais il y a un monde entre le Canada d'aujourd'hui et l'Ukraine d'il y a 20 ans.

Hydro parie que la deuxième vie de Gentilly-2 offrira autant d'avantages et pas plus d'inconvénients que la première. C'est à ces résultats qu'elle sera jugée.

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