En 2001, précisément en cette année où les Jeux olympiques de 2008 furent accordés à la Chine, le Congrès national du peuple proposait d'instituer un «Jour de l'humiliation nationale». Et il suggérait le 7 septembre pour cette commémoration : 100 ans plus tôt, en 1901, c'est à cette date que fut en effet signé un protocole vu comme une reddition humiliante de l'empire du Milieu aux grandes puissances occidentales.

Dans le même tiroir aux (pénibles) souvenirs, on trouve aussi les guerres de l'opium du XIXe siècle, les exactions du Japon ainsi que le traitement jadis infligé aux immigrés chinois; en 2006, le Canada a d'ailleurs offert des excuses pour la discrimination exercée contre ceux-ci depuis 1885 et aussi tard qu'en 1967.

En raison de tout cela, lorsqu'il a fondé la République populaire de Chine en 1949, Mao a lancé: «Notre nation ne sera plus jamais l'objet d'insultes et d'humiliations.»

Nous sommes bien placés au Québec – on l'a vu encore récemment autour des plaines d'Abraham... – pour comprendre que les rancoeurs héritées du passé ne s'effacent pas. La ferveur nationaliste chinoise, étonnamment forte chez les jeunes, est une des forces inconnues qui pourraient agir au moment des Jeux olympiques de Pékin.

Ceux-ci débutent dans 10 jours ; hier, le Village olympique a ouvert les portes de ses 9000 chambres.

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On sait déjà que cet événement à haute teneur symbolique par lequel les Chinois désirent accéder à la pleine reconnaissance internationale sera, au mieux, chaotique. Au pire, plus ou moins raté.

Les craintes sont multiples. Maintien de la répression ; montée des revendications régionales; manifestations impromptues contre le pouvoir; censure des médias; boycottage des grandes cérémonies; qualité de l'air, de l'eau et de l'approvisionnement alimentaire pour les athlètes.

Le pouvoir chinois a une crainte supplémentaire : la réaction populaire que provoqueraient des événements ressentis comme de nouvelles humiliations infligées par l'étranger – déjà, la chaîne française Carrefour est boycottée à Pékin.

Ces humiliations, les Chinois les « verraient comme du racisme, comme un préjugé antichinois, comme une arrogante démonstration de la supériorité occidentale », estiment des spécialistes en études asiatiques (E.C. Economy et A. Segal, dans Foreign Affairs).

Ce serait, disent-ils, «la retombée la plus durable et la plus dangereuse des protestations entourant les Jeux».

À 10 jours des compétitions, l'opinion internationale est ponctuellement déchaînée contre la Chine. Il y a d'excellentes raisons à cela : les progrès attendus en matière de droits de l'homme sont lents à venir et souvent équivoques.

Mais il faudra tout de même veiller, tout occupé que l'on soit à cette noble campagne, à ne pas déclencher une escalade irrationnelle qui réussirait surtout à braquer le peuple chinois. Car celui-ci existe en tant que tel. Il n'est pas un accessoire jetable de la bonne conscience occidentale. Et il tient probablement davantage qu'on ne croit à ce que les Jeux soient un succès.

Bref, la modération aura ici bien meilleur goût – vieux proverbe chinois.

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