Aujourd'hui, les consommateurs canadiens se diviseront en trois groupes. Ceux qui se contrefichent du iPhone, les inconditionnels qui courront chercher le leur et les mécontents qui, après voir envisagé de s'en procurer un, passeront leur tour à cause des conditions imposées par l'unique fournisseur au pays.

La grogne suscitée par le lancement canadien du iPhone n'est pas anecdotique. Elle est une illustration criante des lacunes de notre marché du sans-fil.

Pour se procurer un iPhone de façon légitime au Canada, il faut absolument souscrire à un abonnement de trois ans auprès de Rogers. Le Canada est le seul pays au monde où la clientèle est forcée d'accepter un engagement aussi long. Et pas moyen d'acheter la liberté. Rogers refuse de vendre l'appareil plus cher aux consommateurs qui préféreraient ne pas être liés par contrat, une formule pourtant offerte par AT&T aux États-Unis.

Il faut dire que Rogers a le beau jeu. En plus d'avoir conclu une entente avec Apple, il est le seul fournisseur au pays dont le réseau soit compatible avec le iPhone. Mais cette exclusivité technologique ne sera pas éternelle. Les nouveaux fournisseurs qui arriveront sur le marché au cours des prochaines années opteront probablement pour la norme GSM eux aussi. Malheureusement, les propriétaires de iPhone ne pourront pas profiter de leurs offres avant l'expiration de leur coûteux contrat. Rogers s'assure ainsi de protéger, pour un temps, cette lucrative clientèle des concurrents à venir.

Pourtant, ni le ministère fédéral de l'Industrie ni le Bureau de la concurrence, qui a pourtant reçu des plaintes, ne trouvent à redire sur la commercialisation du iPhone. Selon eux, les consommateurs ont accès à des appareils équivalents auprès d'autres fournisseurs. Si l'on considère les caractéristiques isolément, c'est vrai : il existe d'autres cellulaires, d'autres téléphones avec lesquels on peut transmettre des données, prendre des photos ou écouter de la musique. Mais aucun n'intègre toutes les fonctions de l'iPhone, incluant celles de baladeur iPod. Le marché associé à cet appareil est bel et bien captif.

Soyons clairs : Rogers ne déroge en rien aux règles du jeu canadiennes. Et ses actionnaires peuvent la féliciter de tirer un si bon parti de son réseau et de son entente avec Apple. Bravo. Mais pour le reste des Canadiens, une seule conclusion s'impose : il est urgent de rendre notre marché du sans-fil plus concurrentiel.

C'est ce que le ministre de l'Industrie s'est efforcé de faire, d'abord en suscitant la création de nouveaux fournisseurs et, tout récemment, en dénonçant Bell Mobilité et Telus, qui veulent faire payer les messages textes entrants à leurs abonnés. Il pourrait aller plus loin, notamment en limitant la durée des contrats que les fournisseurs peuvent imposer. D'autres pays, comme l'Afrique du Sud et Israël le font déjà, souligne le professeur Michael Geist, spécialiste en droit des technologies à l'Université d'Ottawa. Qu'attendons-nous pour les imiter?

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion