La Régie de l'Énergie du Québec a rendu il y a deux semaines une décision étonnante en incluant dans le prix minimum imposé aux détaillants d'essence de Saint-Jérôme des frais d'exploitation fixes de 3 cents le litre. Cette décision aura pour effet de priver pendant 30 mois les consommateurs de cette région des bénéfices de la guerre de prix déclenchée par le magasin Costco de l'endroit. La Régie a pourtant comme mandat de «protéger les intérêts des consommateurs»...

L'organisme en est arrivé à cette décision en faisant deux hypothèses qui nous semblent boiteuses. Premièrement, elle suppose que si elle n'était pas intervenue, plusieurs stations-service indépendantes de Saint-Jérôme auraient dû fermer leurs portes, incapables de tenir tête à Costco. Il est vrai qu'au cours des derniers mois, les marges bénéficiaires des essenceries dans cette ville des Laurentides ont été particulièrement faibles. Il reste que depuis l'arrivée de Costco en 2000, il n'y a pas eu plus de fermetures de stations dans cette région qu'ailleurs au Québec et que la part de marché des indépendants n'a pas diminué.

La Régie suppose de plus que s'il y avait moins de détaillants indépendants à Saint-Jérôme, les consommateurs seraient perdants à la longue parce que les «majeurs» auraient moins de concurrents. Or, rien ne le prouve. Surtout pas depuis que le Bureau de la concurrence a accusé des détaillants indépendants de quatre municipalités de s'être organisés en cartel afin d'augmenter les prix. La théorie selon laquelle la présence des indépendants garantit des prix plus bas, théorie que la Régie semble faire sienne, apparaît tout à coup beaucoup moins plausible.

Même à supposer qu'elle soit bien fondée, la décision de la Régie est futile. C'est la troisième fois qu'elle intervient de cette manière pour empêcher le Costco de Saint-Jérôme d'offrir à ses membres de l'essence à bas prix. Chaque fois, le magasin a recommencé à le faire dès l'expiration de l'ordonnance. Par conséquent, comme l'ont souligné Option Consommateurs et CAA-Québec dans leur mémoire conjoint, non seulement les interventions de la Régie n'ont rien changé à la structure du marché local, mais elles ont probablement aggravé la situation en exacerbant la concurrence et en permettant à des commerces inefficaces de survivre.

C'est à se demander si la Régie de l'énergie est en mesure de jouer un rôle utile dans ce domaine qui, pour l'essentiel, dépend de la conjoncture internationale. Les dizaines d'audiences, mémoires, procédures et décisions auxquels ont donné lieu le mandat confié à l'organisme n'ont pas empêché les prix de l'essence de monter en flèche depuis deux ans. De la même façon, la baisse de 20 cents le litre constatée depuis le début de juillet n'a rien à voir avec l'action de la Régie. Notons aussi en passant que les multinationales et les cartels réels ou imaginés n'ont pu empêcher cette récente chute des prix, chute survenue – un autre mythe dégonflé! – à la veille des vacances de la construction. Autant d'illustrations que de façon générale, en ce qui a trait aux prix de l'essence au Québec, le marché fonctionne.

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