À l'occasion de la réunion des députés conservateurs à Lévis, le lieutenant québécois du premier ministre Harper, Lawrence Cannon, a fait savoir que le gouvernement conservateur entendait laisser une grande autonomie aux provinces en matière économique, notamment dans leurs relations avec les États étrangers.

Le premier ministre de l'Alberta, Ed Stelmach, a vu dans cette déclaration «le plus important changement politique au niveau fédéral depuis 25 ans». Le Devoir a plutôt titré : «Cannon enfonce une porte ouverte.» Qui a raison ? Le Devoir.

Bien sûr, il est toujours rassurant d'entendre un politicien fédéral affirmer qu'il respectera l'esprit de la Constitution de 1867. Dans les faits, même lorsque les tentations centralisatrices d'Ottawa furent les plus évidentes, les gouvernements provinciaux ont toujours joui d'une autonomie considérable.

Ce ne fut pas le cas, il est vrai, dans le domaine des relations internationales. Mais c'est de nos jours, une tendance lourde dans le monde : les gouvernements régionaux multiplient les initiatives internationales. Le Québec n'a pas demandé la permission d'Ottawa pour entamer des négociations avec la France sur la mobilité de la main-d'oeuvre, pas plus que les quatre provinces de l'Ouest n'ont attendu le feu vert du fédéral pour préparer une mission économique conjointe aux États-Unis. Les Affaires étrangères auraient été bien mal venues de vouloir bloquer ces initiatives.

Contrairement à ce que M. Cannon laisse entendre en évoquant George-Étienne Cartier, le Parti conservateur n'a pas le monopole de la défense de l'autonomie des provinces.

Stéphane Dion lui-même s'est réclamé de ce principe, fidèle à une tradition libérale qui remonte à Wilfrid Laurier. Sous MM. Trudeau et Chrétien, le fédéral n'a pas hésité à empiéter sur les compétences provinciales, mais il en fut de même pour certains gouvernements conservateurs, fidèles à une tradition remontant... à John A. MacDonald.

Même le gouvernement Harper n'est pas vacciné contre de telles velléités. En témoignent la mise sur pied de la Commission de la santé mentale du Canada et la croisade du ministre des Finances, Jim Flaherty, en faveur d'une commission nationale des valeurs mobilières. Ajoutons que si les conservateurs ont rétabli l'équilibre fiscal et fait des gestes symboliques importants pour le Québec, ils ont mis sur la glace l'encadrement formel du pouvoir de dépenser.

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L'hymne à l'autonomie provinciale entonné par M. Cannon cette semaine vise sans doute davantage à séduire l'électorat québécois qu'à marquer un véritable tournant dans les politiques fédérales. Toutefois, les conservateurs ne devraient pas commettre l'erreur de croire qu'il suffit de crier «autonomie» pour que les Québécois se rallient à eux. Au Québec comme dans les autres régions du pays, les gens sont surtout préoccupés par l'instabilité économique, le coût de l'énergie et la menace climatique. Or dans ces dossiers cruciaux, le gouvernement Harper s'est révélé beaucoup moins convaincant que dans celui des relations fédérales-provinciales.

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