Il y a quelques jours, La Presse titrait: «Des feux nocifs», expliquant que «les feux d'artifice sont la cause des pires sommets de pollution atmosphérique». Pas de problème. Il n'y a qu'à se réfugier à l'intérieur. Mais est-ce si sûr? Non. Un mois plus tôt, The Gazette a en effet longuement décrit (nous traduisons) «Nos maisons toxiques, du sous-sol à la chambre à coucher», des demeures cauchemardesques où on ne trouve que des poisons vifs, du vinyle aux déodorants. Bref, il n'y a plus d'endroit où la survie soit possible. De toute façon, dès le printemps, le Journal de Montréal avait prévenu en grosses lettres rouges à la une: «L'été sera infernal»!

L'être humain est un animal inquiet. Sa mascotte pourrait être le chien battu, cette pauvre bête dont tout le langage corporel exprime l'insécurité chronique et la peur la plus noire.

Or, le langage corporel de l'espèce humaine, on l'observe dans le discours des médias, lesquels sont dorénavant les dispensateurs enthousiastes de la «frousse du jour». Cette rubrique, tenue par l'écrasante majorité des médias, est celle où on décrit minutieusement tous les dangers menaçant l'espèce, qu'ils soient réels ou vaguement appréhendés; où on annonce tous les cataclysmes, en particulier ceux qui ne se produiront pas.

Les rideaux de douche tuent lentement (ça ne fait rien, on n'est pas pressé!) et les téléphones portables donnent le cancer. Les rues sont des coupe-gorge et les domiciles encore moins sûrs. L'État devient policier et les trois néo-nazis recensés dans l'est de Montréal nous menacent

Ça craint.

Surtout, évitons de tirer sur le messager.

Des frousses, le bon peuple en redemande, en particulier dans les sociétés paisibles et sûres où les frissons ne peuvent être que virtuels. Car le niveau de peur et d'insécurité semble directement proportionnel à la quantité de ouate dans laquelle nous sommes enfoncés.

La crainte des effets des outils technologiques et de la chimie industrielle sur la santé humaine n'existe que là où l'espérance de vie a atteint des niveaux jamais vus dans l'Histoire - précisément en ces lieux où la technologie et l'industrie sont omniprésentes. La crainte de la violence est la plus élevée dans les sociétés où elle n'existe à peu près pas; pour pallier ce manque, on a d'ailleurs inventé la «violence» psychologique, qui déclenche ici une frayeur plus grande que les bombes artisanales à Bagdad. La crainte du fascisme n'existe que là où on peut librement l'exprimer, c'est-à-dire dans les États où on ne le trouve pas.

À force de répétition et d'omniprésence médiatique, les frissons virtuels finissent par construire autour d'eux un monde virtuel, lui aussi, où la vie ordinaire devient un incessant défi lancé à tous les malheurs. Et ce, dans une société, la nôtre, qu'une multitude d'êtres effrayés voient désormais comme la plus dangereuse, la plus violente, la plus oppressée qui ait existé.

Est-il étonnant, alors, que la consommation de Prozac ait triplé depuis cinq ans chez les adolescents québécois? C'est ce monde qu'on leur offre, un monde de chiens battus.

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