À moins de trois semaines des élections municipales, suivez-vous avez intérêt la campagne électorale dans votre municipalité? Quels enjeux vous interpellent davantage?

NOUVELLES RÈGLES, VIEUX RÉFLEXES

Stéphane Lévesque

Enseignant en français au secondaire à L'Assomption

Je suis attentivement ce qui se passe dans le cadre des élections de ma ville. Étant résidant de la couronne nord de Montréal, je fais partie des gens qui sont particulièrement à risque d'avoir été floués par toutes sortes de stratagèmes, et ce depuis plusieurs élections. Je tente conséquemment d'être vigilant et surtout à l'écoute des rumeurs, des messages implicites et de ce qui échappe aux médias. En fait, je suis fort curieux de savoir quels moyens prendront certains candidats pour faire pencher le vote maintenant que le DGE surveille un peu plus. Compte tenu des règles plus strictes et de la présence d'organismes de surveillance, les stratèges électoraux devront être créatifs... Les comptables ont vécu pareille situation lors de l'imposition des PCGR (principes comptables généralement reconnus), qui balisaient leurs actions et restreignaient leur marge de manoeuvre. Résultat: la «comptabilité créative». Plusieurs ont appris à contourner les nouvelles lois afin de regagner la liberté perdue. En politique, ce sera similaire. On n'efface pas de vieux réflexes par de nouvelles règles. J'ai hâte de voir jusqu'à quel point l'esprit humain pourra se tordre pour faire élire des gens qui n'auraient jamais dû se présenter de toute manière.

PROCHE DES CITOYENS

Michel Kelly-Gagnon

PDG de l'Institut économique de Montréal, il s'exprime à titre personnel.

Je vis dans une petite ville sur la Rive-Nord de Montréal. J'avoue ne pas suivre avec grand intérêt la campagne électorale dans ma municipalité, mais je compte tout de même aller voter. Parce que les gouvernements municipaux demeurent les plus appropriés et les plus légitimes de tous. Ils sont plus proches des gens, et livrent des services «vrais et tangibles» comme la collecte des ordures, les aqueducs et la voirie, les pompiers, etc. Le lien entre les taxes payées et les services reçus est plus clair. Aussi, les administrations municipales sont en concurrence avec les villes voisines pour garder ou attirer des résidants. Elles subissent donc une pression pour être plus efficaces dans la prestation de services et moins gourmandes avec les taxes. Les gouvernements plus gros et centralisés, comme le provincial ou le fédéral, subissent peu de concurrence (c'est plus compliqué de déménager dans une province ou un pays voisin). Ils ont donc tendance à se bureaucratiser, et à répondre davantage aux demandes des groupes de pression qu'à celles de leurs citoyens. Oui, des problèmes de corruption règnent dans certaines municipalités. Mais il reste que c'est un palier de gouvernement utile, et possiblement le plus légitime des trois paliers actuels.

L'INTÉGRITÉ AVANT TOUT

Jean Baillargeon

Expert-conseil en communication stratégique et en gestion d'enjeux

Je suis citoyen de la Ville de Québec et les révélations de la commission Charbonneau ont fini par rejoindre la capitale nationale. Des firmes d'ingénieurs-conseils ont formé un cartel pour maintenir les prix artificiellement à la hausse pour les travaux d'infrastructures municipales. Ces mêmes firmes ont contribué à la caisse du parti du maire Labeaume avec des prête-noms, ce qui a contraint ce dernier à retourner de l'argent au Directeur général des élections. Mais contrairement à Laval et Montréal, l'intégrité de l'administration de la Ville de Québec n'est pas en cause dans tous ces cas de collusion, le tout s'étant déroulé en dehors du périmètre politique et administratif de la ville. Le principal parti d'opposition à la ville de Québec refuse de dévoiler les noms de ses contributeurs sous prétexte de craindre des représailles du maire Labeaume, puis informe la population que la majorité de ses contributions proviennent de ses propres candidats. Décidément, la démocratie municipale est fragile et les moeurs politiques seront difficiles à changer à court terme, surtout lorsque l'ex-maire Vaillancourt déclare qu'un autre système de collusion a été mis en place à Laval depuis sa démission. Nos institutions municipales sont encore vulnérables à la corruption et la collusion. C'est pourquoi l'intégrité est, pour ma part, l'enjeu principal de ces élections.

DÉSENCHANTEMENT TOTAL

Caroline Morgan

Traductrice

Voilà quelques semaines que je me promets de comparer les programmes électoraux des principaux candidats à la mairie de Montréal. Lorsque j'hésite, cette méthode me permet habituellement de faire un choix. Hélas, cette corvée est aussi assommante qu'une grosse brassée de linge sale; surtout qu'avec la corruption qui sévit à Montréal, il faudrait y ajouter une bonne tasse d'eau de Javel. Malheureusement, j'ai été refroidie en voyant tous les principaux candidats à la mairie rejeter catégoriquement le projet de charte péquiste la journée même de sa présentation, sans même tâter le pouls de la population montréalaise (on sait aujourd'hui qu'une partie significative de celle-ci est en faveur). Difficile de ne pas y voir à la fois de la rectitude politique et de l'opportunisme. Si au moins l'un d'entre eux avait fait preuve d'une analyse quelque peu nuancée, on y aurait vu le signe d'une réflexion et non un réflexe purement électoral.

Quant à la lutte à la corruption et les travaux d'infrastructure? Des mots, des mots et des mots... Malheureusement, peu importe le maire élu, le désenchantement est si complet qu'il faudra attendre des changements concrets avant de vraiment retrouver confiance...

Caroline Morgan

FINANCES PRÉOCCUPANTES

Adrien Pouliot‬

Chef du Parti conservateur du Québec

La campagne actuelle suscite l'intérêt, non seulement compte tenu du contexte de la corruption des élus et fonctionnaires municipaux, mais aussi parce que la situation économique de plusieurs villes est préoccupante. La rémunération globale (ce qui comprend les avantages sociaux et autres avantages en plus du salaire) des employés des municipalités de plus de 25 000 habitants au Québec est 33,6 % plus élevée que chez leurs homologues de la fonction publique provinciale. Les villes sont à la merci d'arbitres dont les décisions sont plus souvent influencées par les pressions syndicales que par l'intérêt des contribuables. Cet enjeu est d'autant plus préoccupant depuis l'adoption du budget de la Ville de Montréal pour l'année 2013 dans lequel on prévoit une hausse de taxe de 3 %, dont les deux tiers sont consacrés à une cotisation accrue de l'employeur à ses différents régimes de retraite. La Ville de Québec a fait face à une situation similaire puisque 60 % de sa hausse de taxes de 25 millions $, pour l'année 2013, était consacrée aux régimes de retraite. Que pensent les candidats à la mairie des recommandations du rapport d'Amours sur la question?  Sauf à Québec, on n'entend que les crissements des criquets quand on pose la question...

PEU DE MOBILISATION‬

Pierre Simard

Professeur à l'ÉNAP à Québec et fellow senior de l'Institut Fraser

En 2009, la participation électorale aux élections municipales ne fut que de 45 % à l'échelle du Québec. Faut-il s'attendre à une mobilisation de l'électorat pour 2013? On peut en douter. Les élections municipales 2013 ne soulèvent aucun enjeu particulier par rapport aux précédentes. La plupart des campagnes à la mairie se déploient sur fond de promesses politiciennes. On ne compte plus les candidats qui se présentent avec l'idée du siècle pour votre famille, votre transport, vos sports et loisirs. Des politiciens et politiciennes qui prétendent savoir mieux que quiconque ce qui est bon pour vous. Mais voilà, de moins en moins d'électeurs sont enclins à croire cette élite dirigeante qui aspire à gérer notre vie en nous soutirant une part toujours plus grande de nos revenus. Il y a un proverbe anglais qui dit qu'«une ville riche est comme un fromage gras, elle nourrit bien des vers». Le problème, c'est que le fromage des villes québécoises est de plus en plus léger et les citoyens de plus en plus réticents à l'engraisser.

DÉSABUSÉE

Francine Laplante

Femme d'affaires

Je suis résidante de la ville la plus corrompue du Québec, Laval. Je suis l'actualité assidument et je ne me gêne pas pour donner mon opinion sur les décisions ou les enjeux que je considère comme douteux. Et pourtant, je dois admettre que mon intérêt pour la campagne électorale municipale n'est pas ce qu'il devrait être. Je suis un peu désabusée face aux candidats à la mairie qui ont tous fait les manchettes pour plein d'autres raisons que leur programme! Ça ne commence pas très bien. Même si je suis plus que consciente que nous devons nous impliquer davantage si nous voulons que les choses changent, le tourbillon du quotidien ne me permet pas d'assister aux assemblées des partis, d'éplucher chacun des programmes, de débattre des enjeux, donc de faire un choix éclairé. J'aurais souhaité pour ma ville une équipe solide avec un leader puissant, une vision inspirante et convaincante, mais personne de cette envergure n'a voulu se lancer dans cette aventure dans les conditions que l'on connaît. La prochaine administration n'aura pas assez de quatre ans pour faire le ménage qui s'impose... il nous faudra beaucoup de temps pour nous remettre du cancer qui nous a affligés durant les dernières décennies.