Il y a maintenant cinq candidats en vue de l'élection à la mairie de Montréal, l'automne prochain. Avez-vous confiance que le prochain maire pourra redresser l'administration municipale?

Ce n'est pas une option

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue

C'est déjà un grand scandale que Montréal ait stagné pendant si longtemps dans un marais de corruption, de collusion et de laisser-faire.  Le futur maire n'aura pas le choix: revoir et assainir au besoin les moeurs et les pratiques dans l'administration municipale sera une de ses premières tâches. Pour cela, il devra être animé par un authentique désir du service public. Un énorme travail l'attend, à la fois ingrat, excitant et humble. Ingrat, parce que les scandales répétitifs à la mairie ont rendu les citoyens méfiants: le maire sera surveillé de près. Sa direction devra rester ferme, transparente et collégiale. Espérons que tous les élus municipaux épauleront le maire dans la recherche du bien commun sans politiser indûment la scène municipale. La tâche sera aussi excitante parce qu'il y a tant de choses à accomplir! De la gestion au quotidien, si nécessaire pour la qualité de vie des Montréalais, aux vastes projets d'avenir, l'élu devra montrer une polyvalence et une détermination sans faille. Tout en accordant sa confiance aux fonctionnaires, il gardera les yeux et les oreilles ouverts. Il ne se prendra pas pour un sauveur et assumera humblement le service aux citoyens. Montréal est prête pour un grand maire!

Un travail colossal

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires

Après l'annonce du désistement de Louise Harel et l'annonce de la candidature de Marcel Côté, voilà que le controversé éditeur Michel Brulé embarquera possiblement dans la course à la mairie de Montréal. Il semble donc qu'il y a maintenant cinq candidats à ce prestigieux poste. Il y a fort à parier que la candidature de M. Brulé viendra brouiller les cartes. Malgré l'arrivée de Brûlé, il est fort probable que le futur maire se nomme Coderre ou Côté. Chacun ayant sa vision et ses idées afin de redorer le blason de la métropole dont l'image est ternie à travers le monde. Peu importe le vainqueur, un travail colossal ainsi que la critique l'attendent. Le nouveau magistrat devra appliquer une politique de tolérance zéro en ce qui a trait aux possibles liens entre les membres de son administration, qui devront sans contredit montrer patte blanche pour maintenir le privilège de servir les Montréalais. Le nouveau maire, tel un chef d'orchestre, devra connaître chacun de ses élus et surtout savoir en tout temps ce qui se passe dans son hôtel de ville et sur le terrain.





Une confiance construite

Me Donald Riendeau

Institut de la Confiance dans les Organisations

Lorsqu'on parle de confiance, il existe deux extrêmes qu'il faut éviter. D'une part, la confiance aveugle peut être associée à la confiance ingénue ou naïve, comme celle d'un enfant envers ses parents. Dans le monde des affaires et la vie publique, elle peut être dangereuse.

À l'opposé, il y a la méfiance complète. Malheureusement, le climat actuel au Québec favorise celle-ci. Elle mène à des excès, puisque tout geste imparfait est associé à de la corruption. Vous vous faites payer un club sandwich par un entrepreneur et aussitôt vous faites la première page des journaux.

Ce qu'il faut viser est la confiance «construite ». L'Institut de la Confiance dans les Organisations a réalisé un sondage auprès de 1430 répondants entre avril et juin 2013. Ce sondage révèle que les ingrédients clés à la confiance pour les Québécois sont dans l'ordre: l'intégrité, la fiabilité, le respect, la compétence, la transparence, l'authenticité, l'imputabilité, la crédibilité et l'équité. Par conséquent, ce sera à chaque Montréalais de déterminer à partir de ces critères si les candidats méritent leur confiance. Leurs idées, leurs personnalités, leurs propos, mais surtout leurs parcours, nous aideront à déterminer s'ils méritent notre confiance au moment de l'élection, mais également tout au long de leur mandat. En effet, ils devront constamment investir pour bâtir leur capital de confiance. La confiance est un peu comme un compte de banque, il y a des retraits et des dépôts, mais il faut constamment investir.

Vaste programme

Yolande Cohen

Historienne, UQAM

La diversité des candidats à la mairie pourrait nous laisser croire que les Montréalais auront le choix d'élire un maire qui assainira le fonctionnement de notre administration. En réalité, ces candidats reflètent les anciens clivages qui divisent la Ville en quatre grands clans. S'ils veulent dépasser ces obstacles majeurs dans cette course, ils doivent aller plus loin dans la recherche de leurs soutiens.

L'arrivée attendue de Marcel Côté en lieu et place de Louise Harel, à la tête d'une coalition non pas arc-en-ciel, mais qui rêve de représenter francophones et anglophones de Montréal.

Mais c'est l'équipe de Denis Coderre, qui se dit aussi de coalition, qui est plus à même de relever ce pari. Soutenu par les anciennes banlieues, qui se veulent de plus en plus indépendantes, il tentera de gagner la course comme l'avait fait Gérald Tremblay dans son premier mandat, avec les banlieues et quelques circonscriptions de la ville-centre.

Dans ce contexte, la candidature de Richard Bergeron, qui s'oppose à toute forme de coalition, risque de se réduire aux arrondissements verts de la ville.

Tant que la dynamique municipale repose sur ces clivages, on ne peut espérer un bon fonctionnement de la ville et rien ne permet de présager qui parviendra le mieux à les dépasser. Il faut espérer que l'actuelle campagne électorale permettra d'aborder cette question comme celle de la forme des partis politiques, de la transparence de l'administration et de la démocratie municipale. Vaste programme...

Place aux vrais enjeux

Francine Laplante

Femme d'affaires

Il est trop tôt pour répondre à cette question, cependant je me réjouis à l'idée que la qualité des débats sur les grands enjeux soit relevée d'un cran lors de la campagne à venir. Il aurait été dommage que M. Coderre ne se sente pas menacé dans la course à la mairie et qu'il s'assoie sur ses chances de victoire. Sans être une grande admiratrice de Mme Harel, je ne peux que saluer son ralliement, qui semble réellement avoir été posé dans le seul intérêt de la ville de Montréal. La campagne sera chaude! Il faut maintenant que les électeurs soient très attentifs et présents, qu'ils posent des questions et exigent des réponses des candidats et des partis. Il faut se concentrer sur les programmes et éviter de tomber dans les débats inutiles et vides de contenus. Laissons de côté les chicanes partisanes et non productives, et parlons des vrais enjeux. La population a un rôle à jouer aussi important sinon plus que les candidats et les élus. Pour arriver à remettre Montréal sur la bonne voie à tous les points de vue, il faut absolument que chaque Montréalais se sente personnellement concerné, et ce, à tous les niveaux de la politique municipale. parce qu'elle est directement liée à leur quotidien et à leur qualité de vie.

L'intégrité, une priorité

Jean Baillargeon

Expert-conseil en communication stratégique et en gestion d'enjeux

Contrairement à Québec, où l'élection du maire est pratiquement assurée avec un appui populaire de plus de 80 %, Montréal représente une énigme et des enjeux très importants, tant sur le plan économique, politique ou éthique. Avec sa notoriété et son réseau, le candidat de la Coalition, l'économiste Marcel Côté saura mobiliser les principaux partenaires économiques de Montréal. C'est le candidat idéal pour relancer Montréal comme pôle de développement international. Sur le plan politique, il a été très stratégique en s'alliant avec Louise Harel, elle, souverainiste, et lui fédéraliste. Par ailleurs, c'est Denis Coderre qui remporte la palme au niveau de la notoriété publique, qui dépasse et de loin tous les candidats déclarés jusqu'à maintenant. Il est populiste et aime le monde ordinaire. C'est le politicien spectacle par excellence, à l'image du maire de Québec, il a son franc-parler, mais saura-t-il s'entourer de gens compétents comme l'a fait Régis Labeaume? Toutefois, l'enjeu principal demeure l'éthique ou l'intégrité des candidats à la mairie et de leur équipe respective. Je suis déçu de retrouver des anciens d'Union Montréal auprès des deux principaux candidats, car ce parti représente, comme le Pro de Laval, une culture trop tolérante envers la corruption. Je doute que ses anciens membres soient totalement innocents à cet égard. La relation de confiance reste à rebâtir.

Sans appui, mission impossible

Adrien Pouliot

Chef du Parti conservateur du Québec et président et chef de direction de Draco Capital

Le défi ne sera possible sans un premier ministre déterminé à appuyer notre maire dans cette tâche titanesque.  Le redressement passe en effet par une gestion plus efficace des ressources actuelles de la ville. Et une des premières cibles doit être la convention collective des employés municipaux. Les coûts de main-d'oeuvre de Montréal ont explosé de 70 % depuis 2006. Le salaire d'un employé municipal s'élève à 50 895 $, soit 9 % que dans le privé, alors que l'employé municipal travaille près de 25 jours de moins par année, grâce, entre autres, à de généreux jours et mobiles (par exemple: 18 jours pour les cols blancs). Le taux d'absentéisme est de presque un mois par année. La valeur des avantages sociaux est estimée à 35 % de leur salaire, contre 23 % dans le secteur privé, surtout grâce à un faramineux régime de retraite. La sous-traitance est bloquée. Le plancher d'emploi empêche de laisser aller la main-d'oeuvre inutile. Quant à moi, ni Mme Marois, ni aucun des chefs actuels à l'opposition, n'a la colonne vertébrale pour appuyer le nouveau maire dans de telles négociations combien nécessaires avec les cols bleus et donc, sans un tel chef, le redressement risque de se faire attendre...