Le maire de Montréal par intérim, Michael Applebaum, a été arrêté lundi matin et sera accusé de corruption, abus de confiance et fraude. La Ville de Montréal doit-elle être mise en tutelle? Devrait-on devancer la tenue des élections à Montréal ? Sur le plan de l'intégrité, l'arrestation du maire donne-t-elle un oeil au beurre noir à la réputation de Montréal?

Louis Bernard

Consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec



N'EN RAJOUTONS PAS !

Les accusations portées contre le maire Applebaum ne concernent en rien l'administration courante de la Ville de Montréal. Elles se rapportent à des gestes qui auraient été posés de 2006 à 2011 alors que M. Applebaum était maire de l'arrondissement de Notre-Dame-de-Grâce et il n'y a pas lieu de croire qu'elles reflètent une dégradation dans la gestion actuelle de ville de Montréal. Il n'y a donc pas lieu de penser à mettre celle-ci en tutelle. D'autant plus que la ville est présentement dirigée par un comité exécutif où siège une coalition des partis municipaux et des indépendants. L'évènement capital qui déterminera l'avenir de Montréal sera l'élection de novembre prochain. Celle-ci est actuellement en train de se préparer et il ne faut surtout pas la brusquer puisqu'il faut laisser le temps aux intéressés de s'organiser sérieusement. D'ailleurs, rien ne presse: le budget a été adopté et, après la démission volontaire ou forcée de M. Applebaum, le conseil pourra nommer un nouveau maire pour les quatre prochains mois. La réputation de Montréal est suffisamment écorchée. N'en rajoutons pas.

Louis Bernard

Guy Ferland

Professeur de philosophie au collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse



K.O. TECHNIQUE

Ce n'est plus un oeil au beurre noir qu'arbore Montréal en plein visage, mais la ville vient de subir un K.O. technique avec l'arrestation de son maire par intérim. Plus de doute que la corruption a une ville. La revue Maclean's doit être heureuse de la tournure des événements à Montréal et dans la Belle Province depuis son numéro spécial sur les malversations au Québec. L'UPAC accomplit du bon boulot en arrêtant et en accusant les responsables au plus haut niveau de la collusion et de la corruption dans les municipalités et sur les chantiers de construction du Québec. Que reste-t-il cependant de crédibilité à tous les futurs candidats qui oeuvreront dans le domaine politique? La suspicion et le cynisme s'installent dans la population, qui n'en finit plus de constater l'étendue de la magouille chez les dirigeants politiques. La mise en tutelle ou les élections devancées ne restaureront pas la confiance des citoyens de Montréal. Il faudrait qu'un grand ménage ait lieu et ne laisse plus de place aux doutes concernant les futurs politiciens. Un changement de mentalité à la ville de Montréal comme à l'Assemblée nationale et à la Chambre des communes devrait précéder toute élection.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

L'INTÉGRITÉ A-T-ELLE UNE VILLE?

Mais qu'est-ce qui vous a pris,  M. Applebaum, de vous présenter comme maire de Montréal en remplacement de Gérald Tremblay ? Vous nous avez fait accroire que vous étiez l'alternative et que vous alliez changer Montréal. Encore des mensonges. Vous auriez pu avoir la grâce de passer votre tour, si vous aviez quelque chose à vous reprocher. L'UPAC procède à des arrestations quand elle sait qu'elle a une cause bien documentée. Votre propension à vouloir diriger la ville, qui faisait ma fierté, m'avait laissé un arrière-goût car, déjà, vous étiez sur la défensive. Vous avez eu le bénéfice du doute. Maintenant, tout s'écroule. Le gouvernement du Québec n'aura d'autre choix que de mettre la fierté en tutelle. Montréal titubait, vacillait. Maintenant, elle est renversée. Mais tout n'est pas perdu, car, dans quelques mois, nous aurons du renouveau, du sang neuf. Nous aurons le choix d'élire un premier magistrat municipal qui, espérons-le, ne sera pas issu du monde politique. Ma confiance est au plus bas niveau à ce chapitre. À cet égard, le gouvernement ne doit pas devancer les élections. Donnons aux candidats qui aspirent à devenir maire le temps de nous dire ce qu'ils entendent faire de notre ville. Comment ils entendent lui redonner sa fierté d'antan. Comment ils rendront à Montréal ses lettres de noblesse.

Jean Gouin

Francine Laplante

Femme d'affaires



QUEL GÂCHIS!

M. Applebaum a été vraiment culotté d'accepter le poste de maire de Montréal tout en ayant d'aussi gros squelettes dans le placard! Pourtant, ce qui me chicote le plus, c'est qu'à lire ce qui circule à son sujet, personne ne se doutait de rien, tous les décideurs le croyaient blanc comme neige... Il manque assurément un bout à la logique des choses. Il y a quelqu'un quelque part qui n'a pas fait son travail! Comment expliquer que le bureau du premier ministre n'ait pas été avisé aussitôt que des soupçons aussi graves ont pesé contre le maire de la métropole québécoise? Comment se fait-il que tout le gouvernement semble pris par surprise par l'arrestation et la mise en accusation du premier magistrat, surtout en cette époque de commission d'enquête et de loi sur l'intégrité? Personne n'a parlé, personne ne savait, personne ne se doutait? C'est presque ridicule! Montréal doit être mis en tutelle immédiatement, et pas sous la responsabilité de n'importe qui. Il est plus que temps que la première ministre elle-même intervienne. Il faut dorénavant imposer les règles, avec une direction de main de fer, et non plus tenter de trouver les solutions les moins mauvaises en attendant les élections. Montréal n'a pas qu'un simple oeil au beurre noir, la ville vient de subir une mégacommotion cérébrale, et on ne soupçonne pas encore à quel point les effets secondaires vont la handicaper à long terme. Une si belle ville avec tant de potentiel! Quel gâchis! C'est une triste journée pour notre société québécoise. Je commence à croire que nous sommes effectivement une société distincte, mais pour les mauvaises raisons.

Jean Baillargeon

Expert-conseil en communication stratégique et en gestion d'enjeux



LOUISE HAREL, MAIRESSE

L'arrestation du maire de Montréal ne se situe pas dans le même contexte que celui de Laval. S'il y a un parallèle à faire, c'est qu'il semble pratiquement impossible que les anciens élus du parti Union Montréal ne soient pas impliqués de près ou de loin avec les combines de corruption et de collusion, comme l'étaient les élus du parti du PRO de la Ville de Laval. Toutefois, la mise sous tutelle n'a pas sa place à Montréal puisqu'il existe deux partis d'opposition, alors qu'à Laval, le parti du maire Vaillancourt jouissait d'un monopole sans opposition à l'hôtel de ville. Cependant, le maire Applebaum doit démissionner rapidement et être remplacé par un élu qui ne faisait pas déjà partie d'Union Montréal et qui doit être approuvé par les deux partis d'opposition, Vision Montréal et Projet Montréal. Personnellement, je recommanderais Louise Harel pour son intégrité et son expérience politique. Ce serait pour elle une belle fin de carrière politique, elle devra toutefois démissionner de son poste de chef de Vision Montréal et par conséquent, retirer sa candidature à la mairie de Montréal. Ainsi, elle laisserait sa marque, soucieuse pendant quelques mois, de refaire la notoriété d'une ville qui n'est plus que l'ombre d'elle même et dont la réputation en terme de gouvernance publique est à refaire de A à Z.

Stéphane Lévesque

Enseignant en français au secondaire à L'Assomption



SOLUTION TEMPORAIRE

Je crois que c'est arrivé. Ils m'ont eu. À partir de maintenant, je ne pense plus être capable de séparer le grain de l'ivraie et je jetterai dorénavant le bébé avec l'eau du bain. Le maire par intérim de Laval était aussi corrompu que son prédécesseur et il a dû partir. Le maire de Montréal vient de passer à peu près dans le même tordeur et la Ville se retrouve sans premier magistrat, encore. L'ex-maire Applebaum nous avait pourtant assuré que tout était en règle et qu'il n'avait rien à cacher. On voit maintenant que son élection n'était pas très «kasher» puisqu'il avait «cashé» de l'argent sale pour financer sa campagne, entre autres gestes répréhensibles. Selon moi, il va de soi que la Ville doit être mise en tutelle, toutefois cela n'est qu'une solution temporaire. Il faudra bien un jour élire un autre maire et je ne croirai ni ses promesses, ni ses engagements, pas plus que ses serments de bonne foi. Les politiciens municipaux se sont couillonnés entre eux en laissant s'installer des systèmes de «graissage de patte» et là, l'élastique vient de leur revenir en plein visage. Je dirais bien volontiers tant pis pour eux mais, dans le fond, nous sommes bien plus à plaindre qu'eux.

Stéphane Lévesque

Adrien Pouliot

Chef du Parti conservateur du Québec et président et chef de direction de Draco Capital 



PAS DE TUTELLE

Évidemment, il faut d'abord accorder la présomption d'innocence au prévenu. Cela étant dit, la situation de Montréal est différente de celle de Laval, en ce que cette dernière n'avait pas d'opposition au conseil municipal et les allégations de fraude aspergeaient tous les élus. Nous n'en sommes pas là à Montréal (du moins pas encore...) et donc une tutelle, qui va à l'encontre de la démocratie municipale, n'est pas de mise. Le maire Applebaum devrait démissionner et la mairesse suppléante devrait pouvoir tenir les rênes avec le conseil municipal jusqu'aux élections. Bien qu'il n'y ait pas de quoi se réjouir aujourd'hui, on peut espérer que l'effet dissuasif des arrestations récentes (et, encore mieux, des condamnations à venir s'il y en a et, espérons-le, des peines sévères qui suivront) fera réfléchir ceux qui sont tentés de s'enrichir aux dépens des contribuables. Malgré cela, il faudra des changements législatifs et structurels (qui seront suggérés par la commission Charbonneau) pour éviter que l'hommerie ne reprenne le dessus après que le temps aura estompé l'effet salutaire des gestes spectaculaires de l'UPAC et ceux, plus sobres, des tribunaux.

Photo d'archives

Adrien Pouliot

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue



VIVE LE MÉNAGE !

Montréal, la ville la plus corrompue ou celle où on nettoie le plus à fond? Bien entendu, il est préoccupant de constater que tant de personnes au palier municipal tremperaient dans des affaires louches. Mais on peut aussi tirer fierté de l'effort de l'UPAC pour enrayer la corruption au Québec, plus particulièrement dans la région de Montréal. Les autres villes au Québec, et plus largement au Canada, ont-ils subi ce type de nettoyage? La corruption n'existe pas à Québec, à Toronto, à Calgary? Par ailleurs, il serait prématuré de mettre Montréal sous tutelle: le comité exécutif n'est pas accusé et demeure fonctionnel. Il doit trouver un maire suppléant d'ici les élections en novembre. De toute évidence, Michael Applebaum doit démissionner. La date du scrutin ne devrait pas être devancée: les candidats ont besoin de tout ce temps pour bien se préparer et les citoyens de bien s'informer. En effet, il ne suffit pas d'aller voter, il faut savoir pour qui et pour quoi on vote. Nous pouvons être fiers que les efforts de l'UPAC aboutissent et espérer que les nouveaux élus - et ceux qui voudraient les corrompre par l'intimidation ou par l'argent - auront appris leur leçon.

Jana Havrankova