Pour atteindre le déficit zéro en 2013-2014, le ministre des Finances, Nicolas Marceau, augmente les taxes sur l'alcool et le tabac et dégèle le tarif du bloc patrimonial d'électricité, sans compter la hausse d'impôt de 1,75% pour les revenus supérieurs à 100 000$. Étant donné la situation économique au Québec, le budget vous apparaît-il convenable?

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



DÉCONNECTÉ DE LA RÉALITÉ



Il est difficile de croire que le gouvernement a pu aboutir à un budget aussi peu créatif et faisant autant appel à d'aussi vieilles recettes. Ce gouvernement, qui aime tant utiliser le mot gel quand vient le temps de parler de droits de scolarité et de garderies, aurait aussi pu geler ses dépenses et même y mettre la hache. Mais pour cela, il faut avoir une volonté de faire des choix difficiles. Augmenter les impôts, c'est la solution facile. Les contribuables sont étouffés par le fardeau fiscal actuel et on dirait que nos dirigeants ne s'en rendent pas compte. Alors que l'on voit gaspillage et corruption faire la manchette depuis des semaines, on ne me fera pas croire que la province ne peut pas trouver quelques petites économies à faire dans ses dépenses et ainsi laisser respirer l'ensemble des contribuables. Il est effarant de constater à quel point des élus peuvent être déconnectés de la réalité des gens qu'ils devraient normalement représenter. L'heure n'est plus à taxer les quelques « riches » qu'il y a au Québec. La santé financière de la province ne passe pas par l'alourdissement du fardeau fiscal des citoyens. Un gouvernement responsable se doit de mettre de l'avant un budget qui offre des services essentiels à la hauteur de nos moyens et qui favorisera la croissance économique et non la contrebande, le travail au noir et la continuation du gaspillage.

Denis Boucher

Adrien Pouliot

Président et chef de direction de Draco Capital.



JOUER À CACHE-CACHE



Si on en croit la CAQ, l'équilibre budgétaire sera atteint en 2013-2014 grâce au deuxième versement du cadeau du méchant Steven Harper (que le PQ aime détester) de 1,5 milliard $ relatif à l'harmonisation de la TPS/TVQ.  Quel tour de passe-passe M. Marceau sortira-t-il pour équilibrer l'année suivante, nul ne le sait, mais ça ne sera certainement pas grâce au contrôle des dépenses.  Les dépenses ont dépassé le budget au cours de huit des neuf dernières années.  Le budget joue à cache-cache avec les vrais chiffres en parlant de «dépenses de programme» limitées à 1,8%, car elles représentent moins de 70% des dépenses totales qui, elles, ont augmenté de 5% par année depuis cinq ans.  Je parie que les contribuables vont continuer à se faire tondre. Je m'en vais donc de ce pas signer la pétition «non aux hausses d'impôts» du Réseau Liberté Québec.

Adrien Pouliot

Louis Bernard

Consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec.



UN BON PLAN DE MATCH



La décision fondamentale à la base du budget Marceau, c'est d'atteindre le déficit zéro à la fin de l'année prochaine. Tout le reste en découle. Étant donné que cet objectif était également celui du gouvernement précédent, on retrouve une continuité certaine entre ce budget et celui du printemps dernier. Les moyens sont différents (et à mon sens meilleurs), mais le but est le même. Et cela doit être porté au crédit du gouvernement Marois. Même si le gouvernement est minoritaire et que de nouvelles élections sont à prévoir avant la présentation d'un nouveau budget, celui de M. Marceau est tout, sauf électoraliste. Il aurait pu être tentant de laisser de côté les exigences de la situation économique et fiscale du Québec pour se lancer dans une distribution de cadeaux électoraux à court terme dans l'espoir d'acheter le soutien de la population aux prochaines élections. Ce n'est heureusement pas le cas. Mais un bon plan de match ne suffit pas pour gagner la partie. Il faut être capable de le mettre en oeuvre sur la patinoire. Comme dit le dicton anglais, «the proof of the pouding is in the eating». C'est à sa mise en oeuvre qu'on pourra juger de la valeur réelle du budget Marceau. Et cela exigera beaucoup de rigueur et la collaboration de tout le secteur public.


Daniel Gill

Professeur agrégé à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal.



ABSENCE DE VISION



Bien au-delà des promesses non tenues, ce qui semble le plus préoccupant dans ce budget, c'est l'absence de vision pour le Québec. Ce qui est aussi frappant, c'est la direction opposée prise par le gouvernement face aux engagements annoncés dans les premiers jours de son mandat : modification des règles fiscales, modifications des redevances, abolition de la taxe santé, etc. On assiste à un virage à 180 degrés qu'on ne peut justifier que par les ratés du gouvernement précédent.  Mais quel avenir nous propose ces bâtisseurs de pays?  Peu de choses, sinon des solutions datant d'une trentaine d'années alors qu'on imposait alcool et cigarettes.  Que prévoit-on en matière de développement durable, d'aide à la pauvreté, de vétusté des infrastructures, d'éducation  et surtout de vieillissement de la population, principal enjeu auquel devra faire face le Québec d'ici les 20 prochaines années ? La gravité de la situation nous appelle à ses solutions originales et structurelles, autres qu'une taxe de 17 cents sur les bouteilles de vin ou d'une déduction fiscale pour les activités sportives pour les enfants. Quelle priorité! Ce budget fait bien ressortir la faiblesse en matière économique de ce gouvernement qui n'est point en mesure de nous dire comment nous affronterons cet avenir plutôt sombre qui se dessine.  Tout reste à faire avec ce budget, au-delà des chiffres, il y aura des gestes à poser. Le gouvernement Marois saura-t-il les faire?

Daniel Gill

Raymond Gravel

Prêtre dans le diocèse de Joliette et ex-député bloquiste.



MANQUE DE COURAGE FLAGRANT



Dans ce premier budget du gouvernement Marois, je me rends compte que le courage n'était pas au rendez-vous. Quand on veut plaire à tout le monde, on ne plaît à personne. Quoi de plus facile que de taxer l'alcool, le tabac et le jeu? Qui peut s'opposer aujourd'hui à une hausse de taxes sur le tabac? Par ailleurs, il faut se demander qui sont les plus touchés par ces mesures fiscales. Au Québec, la contrebande de cigarettes fait perdre au gouvernement des sommes considérables en revenus chaque année. Ce n'est sûrement pas en haussant davantage le prix du tabac qu'on peut espérer diminuer cette calamité; d'autant plus que les personnes qui fument ne sont pas parmi les plus riches de notre société. On pourrait dire la même chose de l'alcool et du jeu. Alors pourquoi taxer les plus démunis de la société? Il me semble qu'ils participent déjà assez au financement du gouvernement. Je peux comprendre que le Parti québécois est minoritaire, mais en adoptant de telles mesures, qu'on ne vienne pas me dire que l'on vise plus de justice et d'équité dans la société québécoise. Personnellement, je suis très déçu du peu de courage de mon parti.

Raymond Gravel

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé.



PROCHE DU BUDGET BACHAND



C'est un budget convenable et, malgré un dosage légèrement différent au niveau de la fiscalité et des dépenses, il est étonnamment très proche du dernier budget Bachand. Lorsqu'on analyse le montant total des revenus et dépenses en 2016-17, le niveau des dépenses est presque le même et celui des revenus est moins de 0,5% inférieur à celui du budget précédent. M. Marceau a taxé un peu plus «le vice» et les plus riches, mais ce gain de revenus est compensé par moins de transferts fédéraux.  Il y aura une hausse du prix de l'électricité patrimoniale, mais elle sera moindre que celle planifiée par les libéraux. Dans ces deux budgets, on revient à l'équilibre budgétaire en 2014-15 et on a un surplus d'un peu plus de 2 milliards de dollars en 2016-17.  Quatre points me préoccupent dans ce budget Marceau, tout comme dans le dernier budget Bachand : (1) la possibilité que la croissance soit plus faible (mauvaises nouvelles d'Europe et des États-Unis, (2) la difficulté de contraindre la croissance des dépenses entre 2% et 3% durant 5 ans (on ne pourra éviter des réductions de servies), (3) l'absence d'une provision pour éventualités liées directement aux problèmes des déficits actuariels des régimes de retraite dont le gouvernement est responsable (incluant ceux des municipalités). M. Marceau n'avait pas à attendre le rapport d'Amours pour poser ce geste, et (4) la forte montée des dépenses d'amortissement et du service de la dette. N'oublions pas qu'un jour, les taux d'intérêt monteront et que le programme de remplacement des infrastructures devra ralentir et ne pourra plus soutenir aussi fortement l'économie du Québec.

Jean-Pierre Aubry

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue.



ÉQUILIBRISTE OPTIMISTE



Présenter un budget équilibré constituait une obligation. Sans cela, la décote menaçait suivie d'un alourdissement du fardeau de la dette. Si le budget paraît équilibré sur papier, on peut se demander si les hypothèses quant à l'augmentation des revenus du gouvernement ne pèchent pas par un excès d'optimisme. Ainsi, on prévoit que l'impôt qu'enverront les particuliers augmentera de 5,1 % à la suite de la hausse des revenus personnels et de la progressivité du régime fiscal. Rares sont les gens dont les revenus augmentent autant. On prédit que les impôts des sociétés progresseront de 10,5 % en raison de la croissance des bénéfices. Dans un contexte de stagnation économique mondiale, est-ce réaliste? Que les dépenses du ministère de la Santé et Services sociaux continuent à grimper demeure inquiétant. Abolir la règle de 15 ans pour favoriser l'utilisation des médicaments génériques constitue une bonne mesure. Toutefois, le ménage s'impose aussi dans les coûts des médicaments génériques (que nous payons trop cher) et dans la façon de soigner la population en partant de la prévention jusqu'aux soins spécialisés. Par ailleurs, les partis d'opposition devraient reconnaître que certaines mesures qu'ils ont eux-mêmes proposées se trouvent en fait dans le budget. Il n'y a pas de quoi faire tomber le gouvernement.

Photo fournie par Jana Havrankova

Jana Havrankova

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP, à Québec.



LE «TAXICOMANE»



Encore une fois, le « taxicomane » étatique a réussi à assouvir sa dépendance aux dépenses publiques. Il a même réussi à acheter les appuis lui permettant de garder les deux mains dans le Trésor public pendant quelque temps. La manoeuvre? Rien d'original! D'abord, il a taxé le péché, puis le chauffage et il a grevé la carte de crédit du contribuable. Ensuite, il a gardé en fonction la distributrice à privilèges de manière à ce que les groupes d'intérêt lui fassent bonne presse. Opération réussie! Ce matin, les commentateurs de la chose publique n'en finissent plus d'exprimer leur soulagement à l'endroit du budget Marceau. Comme si le citoyen devait ignorer que le but du gouvernement était d'augmenter ses revenus en coupant le moins possible dans son train de vie. Prétextant l'équité et la justice sociale, et surtout pour satisfaire ceux qui votent du bon bord, notre ministre des Finances s'est donc affairé à prélever chez le contribuable le plus de revenus possibles. Aujourd'hui, on nous demande de professer une foi aveugle dans la religion d'État et de nous féliciter d'être les contribuables les plus taxés en Amérique du Nord. Désolé, mais je ne marche pas : non aux hausses d'impôt! Comme le disait Audiard : « Le jour est proche où nous n'aurons plus que «l'impôt» sur les os.»

Pierre Simard

Michel Kelly-Gagnon

PDG de l'Institut économique de Montréal, il s'exprime à titre personnel.



UNE NOTE DE C -



Ce budget ne marque pas un tournant. C'est parfois une bonne nouvelle, comme pour la déclaration d'intention de retourner au déficit zéro en mars 2014 ou l'indexation des tarifs d'électricité pour les rapprocher (un peu) de leur juste valeur. C'est plus inquiétant quand on continue d'augmenter les dépenses du gouvernement et d'endetter les contribuables. En effet, le gouvernement ne coupe pas les dépenses, il les augmente moins vite que prévu. On voulait acheter une Audi, on achète une Camry. C'est moins cher, mais c'est une dépense tout de même, et à crédit. Rappelons que la dette du secteur public atteint 64 241$ par contribuable et passera à 69 000$ en 2014. Après son arrivée au pouvoir, le gouvernement de Pauline Marois avait annoncée des mesures inouïes en matière de fiscalité : taxation rétroactive, impôt sur le revenu confiscatoire, hausse de la taxation des dividendes et des gains en capitaux. Avec  le budget présenté mardi, on a l'impression de revenir de loin, de l'avoir échappé belle, même si le fardeau fiscal s'alourdit bel et bien. Pour les hauts salariés surtout, mais aussi pour les consommateurs d'alcool et de cigarettes. Voilà d'ailleurs un joli cadeau de Noël aux contrebandiers du tabac!

Michel Kelly-Gagnon

Nestor Turcotte

Retraité de l'enseignement collégial.



PROMESSES RENIÉES



Si j'étais encore péquiste, je serais déçu de ce budget. Jamais, à ma connaissance, un parti politique n'aura autant renié ses promesses électorales. Le PQ avait promis d'augmenter les redevances minières ; le PQ avait promis de geler le bloc patrimonial de l'Hydro-Québec ; le PQ avait promis d'éliminer le Fonds des générations ; le PQ avait promis d'abolir la taxe santé, faisant de cette promesse sa grande priorité électorale; le PQ avait promis qu'il n'y aurait pas de hausse d'impôts, etc. Le PQ n'avait pas averti les fumeurs qu'il augmenterait le paquet de cigarettes de 50 cents (les contrebandiers fument le calumet ce soir?) ; le PQ n'avait pas averti les consommateurs qu'il augmenterait substantiellement le prix des spiritueux et de la bière ; le PQ n'avait pas dit durant la campagne qu'il allait hausser les tarifs d'électricité. Il a tenu promesse sur deux points : le gel des droits de scolarité pour la présente année et le gel des frais de garderie. En conférence de presse, M. Marceau a affirmé que tout le monde serait mis à contribution. Pourquoi a-t-il épargné les étudiants et les frais de garderie et n'a-t-il pas touché aux primes de départ pour les commis de l'État ou les tablettés en fin d'une carrière? Pure clientèle électorale ? Non, le PQ a promis de faire «autrement». C'est donc impossible qu'il ait pu avoir une telle visée derrière la tête. Le monde des affaires semble satisfait du budget Marceau. Le monde des travailleurs, le monde des employés de l'État semblent inquiets. Le PQ semble s'être métamorphosé en PLQ. Il a fait campagne à gauche. Il «budgète» à droite. Pauline aurait-elle reçu un coup de téléphone des agences de crédit ? Je n'en serais pas surpris. Il est facile, en campagne électorale, de voguer sur les nuages et de promettre n'importe quoi. Il moins facile de faire face à la réalité. Celle-ci a rattrapé le PQ. Il ne peut gouverner autrement. Il doit gouverner comme avant. En tenant compte des impératifs du moment.

Nestor Turcotte

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



BUDGET DÉCEVANT



Le tout premier budget de l'administration Marois me déçoit au plus haut point. Le ministre  des Finances, Nicolas Marceau, ne semble pas avoir usé d'une grande imagination afin de tenter d'atteindre l'équilibre budgétaire.  J'aurais aimé voir ce gouvernement, qui s'est vanté durant les 35 jours de campagne de vouloir faire autrement, s'attaquer à la «structurite» aiguë qui gangrène les réseaux de l'éducation et de la santé. Cela aurait assurément rapporté autant sinon plus que l'actuel budget. Je me demande comment un gouvernement qui se dit de gauche peut déposer un budget, qui se voit louangé par le Conseil du patronat du Québec et dénoncé par les syndicats. Ma décéption se situe aussi et surtout au niveau des nombreuses promesses électorales non tenues par le PQ. Méfiance et cynisme sont toujours au rendez-vous, peu importe le parti au pouvoir.