La réélection du président américain Barack Obama vous réjouit-elle? Que souhaitez-vous qu'il accomplisse au cours de son second mandat?

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP, à Québec



L'ILLUSION OBAMA



Le Barack Obama de la campagne présidentielle de 2008 est bien ancré dans l'imaginaire médiatique québécois. On nous le représente comme le remède à tous les maux sociaux, celui qui relancera l'économie américaine tout en luttant contre la pauvreté, les inégalités et la pollution. Malheureusement, aimer de loin signifie souvent ignorer la réalité. L'Obama de 2012 est fondamentalement un politicien comme les autres : un président qui n'a pratiquement rien réalisé de ses promesses de premier mandat et qui a basé l'essentiel de sa réélection sur la diabolisation de son adversaire républicain. Malgré les milliards de dollars investis, la campagne présidentielle américaine de 2012 n'aura finalement servi à rien. Nos voisins sont revenus à la case départ : les démocrates contrôlent la Maison-Blanche et le Sénat, alors que les républicains gardent leur main mise sur la Chambre des représentants. Aujourd'hui, les Américains héritent d'un gouvernement et d'un électorat très divisés. D'ailleurs, rien de réjouissant en perspective puisque le second mandat du président s'amorcera par des négociations pour éviter le précipice fiscal de fin d'année : coup de gueule et petite politique au menu. Ce que j'aimerais qu'il fasse dans son second mandat? Ne serait-ce que la moitié de ce qu'il avait promis de faire dans son premier mandat...

Pierre Simard

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.



BEAUCOUP DE DÉFIS ET PEU DE MOYENS



Je suis bien content que Barack Obama ait été réélu et qu'un large éventail de la population ait soutenu ce choix et n'ait pas été séduit par les contorsions de Mitt Romney et par son programme simpliste et passé date.  Le président Obama fera face à d'énormes défis.  Pourra-t-il à la fois réussir à réduire le déficit du gouvernement fédéral et le taux de chômage de son pays? J'espère que oui. Mais il a très peu de marge de manoeuvre pour réussir ce «doublé». Selon moi, il est faux de prétendre que la dette du gouvernement américain peut continuer pendant plusieurs années encore à croître rapidement et à continuer d'être émise à un taux d'intérêt nominal très bas. Il lui sera probablement difficile d'éviter une ou même plusieurs décotes des titres du Trésor américain. Il lui sera également très difficile de faire adopter par le Congrès une réduction significative de l'énorme budget militaire. Ne sera-t-il pas tenté alors de pousser les États-Unis vers de plus en plus de mesures protectionnistes?   Probablement... Sur le plan social, il serait également souhaitable qu'il réduise les inégalités de revenus et réalise des progrès additionnels dans la mise en place d'un système de santé plus qui aidera la classe moyenne et les moins nantis. Il doit également travailler à améliorer le système d'éducation, notamment au point de vue de son accessibilité.  Mais pour progresser dans ces réformes sociales, en aura-t-il les moyens? Peut-être pas.

Jean-Pierre Aubry

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



LA FRACTURE



La victoire de Barack Obama m'a grandement soulagé. Cependant, le président n'est pas au bout de ses peines avec un congrès à saveur républicaine et un Sénat qui, en certaines occasions, lui sera favorable, et, en d'autres, pas. Les résultats de cette bataille électorale âprement disputée auront révélé à la face du monde, même si c'était un secret de polichinelle, que si rien n'est fait sur le plan interne, les États-Unis sont au point de rupture. Le clivage républicain-démocrate est coupé au couteau, d'où le danger de fracture. L'analyse des résultats nous montre que le Mitt Romney a davantage obtenu ses votes de la part des blancs nantis âgés de 45 ans et plus, comparativement à M. Obama, qui a eu la faveur de la classe moyenne, peu importe l'appartenance raciale. Le radicalisme des républicains leur a joué un bien mauvais tour, encore une fois, et c'est ce radicalisme auquel le président devra s'attaquer sur le plan intérieur, pour éviter que le climat social ne s'envenime, alors qu'une crise économique souffle au-dessus de nos têtes. Le monde entier a été soulagé par la réélection de Barack Obama. Monsieur Obama est considéré comme le personnage le plus puissant au monde de par sa fonction. Mais celui-ci devra s'employer, au cours de ce second mandat, à éviter et aplanir les crises internes s'il veut le demeurer. Beaucoup de travail en perspective.

Jean Gouin

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue.



RETROUVER LA PROSPÉRITÉ



L'élection de Romney aurait constitué une véritable catastrophe. Les citoyens étatsuniens ont besoin de retrouver la confiance que le rêve américain ne s'est pas transformé en cauchemar de la débandade du système financier, puis économique, de 2008 : les politiques républicaines y ont largement participé. Le défi d'Obama s'avère complexe : s'attaquer à la dette gigantesque des États-Unis - 16 000 milliards $ - en stimulant la reprise de l'économie, tout en améliorant le bien-être des citoyens. Ainsi, une meilleure réglementation du système financier s'impose. Les banques d'affaires et les banques de dépôt devraient redevenir des entités distinctes pour éviter que l'État ait à payer pour des prises de risque excessives. Le virage de l'économie vers les produits novateurs devrait être encouragé au plan fiscal afin que les États-Unis diminuent leur dépendance aux énergies fossiles et leur consommation d'énergie. Il faudra réduire les dépenses militaires et augmenter les investissements en prévention des maladies et des accidents, ainsi qu'en éducation. La marge de manoeuvre du président est limitée par le Congrès majoritairement républicain. Toutefois, lors de son premier mandat, Obama a réussi tout de même une réforme, imparfaite mais significative, du système de santé. L'espoir est permis : Yes, he can!

Photo fournie par Jana Havrankova

Jana Havrankova

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



Je suis très heureux de la réélection de Barack Obama comme président des États-Unis. Comment rester indifférent face à cette élection serrée, certes, mais qui donne une deuxième et dernier mandat à cet homme charismatique, compétent et proche du peuple? Comme bien d'autres  personnes, je compare aisément M. Obama à John Fitzgerald Kennedy, l'un des plus grands présidents des États-Unis. Barack Obama devra encore une fois faire face à une chambre des représentants formée d'une majorité de républicains qui n'approuvent que très rarement les politiques démocrates. Son plus grand accomplissement à ce jour demeure la réforme de l'assurance maladie que tant d'autres ont tenté avant lui. Je crois qu'au cours de ce deuxième mandat, Barack Obama, fidèle à ses habitudes, continuera de proposer des mesures inédites afin d'aider la classe moyenne et les plus pauvres de ces concitoyens pour améliorer leur pouvoir d'achat et ultimement leur qualité de vie.

Adrien Pouliot

Président et chef de direction de Draco Capital.



RIEN DE BON



Si le passé est garant de l'avenir, je ne m'attends à rien de bon de M. Obama au cours des quatre prochaines années.  Son « progressisme » aura réussi à prolonger la récession pendant quatre ans.  L'interventionnisme de la loi Dodd-Frank, les plans de sauvetage à coup de centaines de milliards, le corporatisme prosyndical de la faillite de GM et Chrysler et la socialisation de la santé avec Obamacare en ont fait le président le plus interventionniste depuis l'ère de LBJ-Nixon. Heureusement, les Américains ont décidé de lier les mains de M. Obama en maintenant la paralysie entre le législatif et l'exécutif, ce qui réjouira ceux qui veulent limiter la croissance de la taille de l'État fédéral. Certes, M. Obama nous amènera sur le bord du précipice fiscal d'ici deux mois et un compromis tordu et temporaire sera conclu dans la dernière semaine de décembre pour repousser le problème.  Malgré tout, la dette nationale atteindra 20 000 milliards $ à son départ en 2016.  Espérons que la décote qui s'en suivra créera la crise qui ramènera le libéralisme qui a naguère fait des États-Unis un pays où, comme le disait M. Obama le soir de sa victoire, tous sont supposés avoir l'opportunité de réussir.

Adrien Pouliot

Louis Bernard

Consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec.



ON A SURTOUT ÉVITÉ LE PIRE



Comme la grande majorité des Québécois, je me suis réjoui de la victoire de Barack Obama. Mais c'est surtout la défaite de Mitt Romney qui m'a fait plaisir, car non seulement elle évite une gouvernance désastreuse et rétrograde, mais elle annonce la fin de la domination des ultras sur la droite américaine. Le changement prendra peut-être encore un certain temps, mais la démographie est implacable: les États-Unis seront de plus en plus un pays multiethnique, moins prisonnier de ses mythes suprématistes, plus ouvert à la diversité du genre humain. Par ailleurs, la réélection du président Obama lui donnera la chance de réaliser enfin la promesse de changement qu'il avait faite en 2008. Mais pour cela, il faudrait qu'il change radicalement sa façon de gouverner en se montrant enfin capable d'affronter, s'il le faut, les forces du statu quo. Ce qu'il n'a pas réussi à faire lors de son premier mandat et qu'il pourra difficilement réaliser lors du deuxième, en raison des dettes énormes qu'il a contractées envers l'establishment pour financer sa campagne électorale. La démocratie américaine est gravement malade et ses institutions politiques, liées aux puissances de l'argent, empêchent toute réforme significative. Il sera presque impossible d'en sortir à court terme. C'est pourquoi je ne suis pas trop optimiste quant aux progrès que Barack Obama pourra accomplir au cours de son prochain terme. Autant j'étais confiant au début de son premier mandat, autant je suis sceptique au début de son deuxième. J'espère me tromper.