Maintenant qu'Omar Khadr a été rapatrié au Canada, quand devrait-on le libérer? Le plus tôt possible? L'an prochain, lorsqu'il sera admissible à une libération conditionnelle? Ou seulement en 2018, quand il aura purgé toute sa peine? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue.



ÉVALUATION PSYCHOSOCIALE ESSENTIELLE



Pendant les années critiques pour la construction de la personnalité, entre l'âge de 15 et 26 ans, Omar Khadr se trouvait coupé du monde. Il a été privé de la compagnie de ses pairs, n'a pas connu de vie amoureuse, n'a pas été entouré de ses proches. De plus, il a subi l'intimidation, peut-être la torture, et un procès dont la légitimité reste douteuse. Avec un tel bagage, quel individu est devenu Omar Khadr? Quel est son état physique et mental? Ressent-il de l'animosité envers le Canada qui ne voulait de lui? Comment entend-il s'insérer dans la société canadienne? La date de sa libération doit se poser autant en termes légaux qu'en termes psychosociaux. Omar Khadr peut être libéré seulement si sa sécurité et celle de la société sont assurées. Il ne suffit pas d'ouvrir la porte de la prison. Combien de situations malheureuses ont été créées par la désinstitualisation des personnes qui ont passé de nombreuses années dans des hôpitaux psychiatriques !  Les autorités canadiennes ont tergiversé pendant des années à propos de cet enfant soldat devenu un adulte encombrant. Maintenant, il faudra qu'elles prennent leur responsabilité : remettre Omar Khadr en liberté seulement lorsqu'il sera jugé prêt à vivre paisiblement en société.

Jana Havrankova

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP à Québec.



UNE POSITION PLUS NUANCÉE



Les opinions sur le sort qu'on devrait réserver à Omar Khadr sont très polarisées. À un extrême, il y a ceux qui clament haut et fort que Khadr n'était qu'un enfant-soldat qui doit être remis immédiatement en liberté : une victime inoffensive et injustement traitée par les méchants Américains. À l'autre extrême, il y a ceux qui voient Khadr comme un terroriste incorrigible qui devrait purger l'entièreté de sa peine afin d'éviter qu'il reprenne ses activités subversives dès sa remise en liberté. Entre le meurtrier sanguinaire et la pauvre victime de son éducation familiale, il y a peut-être un autre Khadr : un Khadr inconnu de nos politiciens, un Khadr différent de celui qui ne sert qu'à engranger des votes. Il serait peut-être opportun de  dépolitiser le dossier et de laisser les autorités compétentes et apolitiques déterminer le sort à lui réserver. Ce qu'il nous faut, c'est un comité qui, tout en se rappelant que Khadr n'avait que 15 ans lors des événements qu'on lui reproche, considérera aussi le fait qu'il a plaidé coupable à des crimes de guerre. Entre l'irresponsabilité totale et l'entière responsabilité de ses actes, il y a peut-être une position plus nuancée que celle avancée par nos politiciens et nos groupes d'intérêts.

Pierre Simard

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.



LE PLUS TÔT POSSIBLE



Selon moi, ce dossier a été géré de façon honteuse par le gouvernement Harper.  Il voulait donner aux Canadiens l'image de punir très sévèrement les terroristes, même si cela devait impliquer d'agir contrairement à nos pratiques sur la scène internationale et même à notre cadre juridique. J'espère que le processus de libération conditionnelle s'enclenchera le plus tôt possible et le plus loin possible du «politique».  J'espère même que M. Khadr poursuivra le gouvernement canadien pour le traitement discriminatoire de son dossier. La gestion du gouvernement Harper doit être sanctionnée pour la mauvaise gestion de cette affaire.

Jean-Pierre Aubry

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



UN CAMP DE VACANCES



Omar Khadr a passé 10 longues années à la prison de Guantanamo avant de pouvoir enfin fouler le sol canadien. Selon ses dires, il aurait été torturé et humilié à maintes reprises par ses geôliers qui, dans les faits, représentent le gouvernement américain. Le fait d'être emprisonné au Canada lui fera croire qu'il est dans un camp de vacances comparativement à sa précédente prison. Certes le geste qui lui est reproché, le meurtre d'un soldat américain, mérite l'emprisonnement. Mais ne faudrait-il pas aussi tenir compte du fait que M. Khadr n'avait que 15 ans au moment des événements. Combien de mois ou d'années a t-il été soumis par des extrémistes à un lavage de cerveau que Omar Khadr en vienne à penser comme eux? Ne pourrait-il pas, compte tenu des circonstances être tenu non criminellement responsable des actes reprochés? Après tout des adultes plaident ainsi et ont souvent gain de cause. Cela dit, M. Khadr devrait purger sa peine comme tout autre Canadien et être admissible à une libération conditionnelle dans les délais prescrits par la loi. Pourquoi agir différemment avec Omar Khadr ? Est-ce parce que il est considéré comme un terroriste ou simplement pour ne pas froisser nos voisins du Sud?