Un autre drame familial vient de se produire au Québec, celui-ci à Warwick, près de Victoriaville. Un homme a tué ses deux enfants et s'est enlevé la vie. Le père aurait réagi ainsi à un jugement défavorable relatif à la garde de ses enfants. Comment expliquez-vous la fréquence de telles tragédies? Pourquoi certains pères réagissent-ils ainsi à leurs problèmes conjugaux et familiaux? Y a-t-il quelque chose que les services sociaux et l'entourage de ces familles peuvent faire pour prévenir de tels drames?

Francine Laplante

Femme d'affaires et mère de quatre enfants.

Durcissons les lois

En moins d'une semaine, trois drames familiaux ont fait la manchette. Nous avons d'abord appris que deux adolescents ont assisté à l'assassinat de leur mère par leur père, puis nous avons su qu'un jeune garçon a témoigné, impuissant, de l'agression de sa mère à coup de marteau et, dans le dernier drame, deux enfants ont été tués par leur père.

Avant d'en arriver à une fin aussi tragique, avant que ces enfants soient morts psychologiquement ou physiquement, où étions-nous en tant que voisins? Où étions-nous donc en tant qu'amis, parents, intervenants, passants? Pendant que des enfants étaient maltraités, négligés et victimes d'abus de toutes sortes derrière les portes closes de la maison d'en face, nous étions trop occupés dans notre quotidien. Nous étions là, à nous regarder le nombril, nous disant qu'il y a des spécialistes pour intervenir parce que nous supposons qu'il ne faut pas se mêler des affaires des autres. Pourtant, lorsqu'un tel drame survient, l'église est pleine à craquer de gens voulant assister aux funérailles par solidarité et les témoins silencieux sont bouleversés devant les caméras de télévision. Ainsi va la vie.

À mon avis, notre société envoie le message que les enfants n'ont aucune valeur. On peut les tuer, les frapper, abuser d'eux et être libre comme l'air. Tant et aussi longtemps que nous ne durcirons pas les lois qui protègent nos enfants, rien ne sera pris au sérieux. Il est temps que la politique s'en mêle et j'espère qu'au cours de la campagne électorale qui débutera bientôt, les différents partis politiques se prononceront sur l'importance d'agir, de réformer les ressources et de revoir les droits des enfants.

Notre attitude envers les enfants est pathétique, troublante et inquiétante. Combien d'enfants souffrent en ce moment même devant des témoins.

Mélanie Dugré

Avocate.

Tendre la main

Ces tragédies ébranlent, bouleversent, chavirent. Pareils drames nous ramènent  invariablement à nos propres enfants, à la fragilité de la vie et à la complexité de l'être humain.

Chaque histoire de séparation est unique et il arrive que la douleur hypnotise et engourdisse à un point tel que les signes annonciateurs d'une tragédie sont imperceptibles. Néanmoins, une tendance lourde se dessine : celle de la difficulté qu'ont souvent les hommes à admettre qu'ils ont perdu le contrôle de leurs émotions, que la détresse mène désormais le jeu.

À ceux parmi nous qui élevons les hommes de demain, il faut leur enseigner que crier au secours est un acte de courage plutôt qu'une preuve de faiblesse. Socialement et collectivement, il faut se défaire du stigmate de l'homo erectus invincible et encourager les hommes à cultiver l'humilité nécessaire pour reconnaître que plus rien ne va, que leur vie est en déroute.

La responsabilité de briser l'isolement appartient à celui qui souffre, mais aussi à l'entourage; famille, amis, avocats, professeurs, qui doivent apprendre à ouvrir les yeux et tendre la main afin de diriger l'homme en détresse vers les bonnes ressources de soutien. Bref, il faut s'efforcer de lever les yeux de notre petit nombril...

Mélanie Dugré

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



Encore un drame familial

Malheureusement, la séparation d'un couple où des enfants sont impliqués devient trop souvent plus compliquée. Ces ruptures entre deux adultes font trop souvent en sorte que les enfants sont acculés au pied du mur et doivent prendre parti pour l'un ou l'autre des parents. Les procédures judiciaires interminables laissent inévitablement des séquelles psychologiques sur le parent visé par les récriminations de l'autre. Il est difficile d'expliquer comment un être humain qui adore ses enfants peut en arriver à un geste aussi horrible.  Dans la plupart des cas, l'entourage n'a rien vu venir, car ces meurtriers semblent être en total contrôle et ne laissent que très rarement paraître leur grande détresse. Le tabou et les jugements de la société qui entourent encore aujourd'hui les maladies mentales et la détresse psychologique sont en grande partie responsables du fait que les hommes ne vont pas chercher l'aide dont ils auraient besoin lorsqu'ils ont des idées noires. La famille, l'entourage et les proches amis devraient être plus vigilants en tentant de déceler le moindre signe et l'appel à l'aide discret qui est régulièrement lancé par ces pères de famille qui se sentant impuissants face à cette adversité ne voient qu'une issue tragique à leurs malheurs. Quant aux services sociaux, ils ne peuvent intervenir si personne ne leur signale le problème. Nous devons donc continuer de marteler le message que l'aide existe et surtout qu'il n'y a aucun mal à consulter les professionnels en santé mentale. Il faut aussi continuer de plus belle à sensibiliser la société en général afin qu'elle puisse déceler tout signe grave pouvant mener à de tels drames insensés. Porter assistance à autrui c'est aussi, selon moi, dénoncer un comportement, des paroles ou des gestes qui peuvent avoir comme résultat des blessures graves ou encore la mort d'enfants purs et innocents.