Alors que les Canadiens célèbrent le 145e anniversaire de la Confédération, plusieurs s'inquiètent de l'état du pays. Certains jugent que le gouvernement Harper est en train de transformer le Canada de manière néfaste. D'autres croient que les inégalités régionales s'accroissent dangereusement. La place du Québec continue de soulever des questions. Selon vous, que nous réserve l'avenir du Canada? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée



OPTIMISTE



Je suis optimiste pour l'avenir du Canada, mais je comprends que les socialistes et « progressistes » québécois soient inquiets de « leur » Canada depuis l'élection du gouvernement majoritaire Harper. L'hégémonie électorale des libéraux est disparue et c'est au Québec que le choc se fait sentir le plus. Les Québécois ont fait déferler le NPD, un parti gauchiste « progressiste » centralisateur. Les conservateurs, eux, promettaient un conservatisme fiscal (baisses d'impôts, élimination du déficit) et aussi la fin du « progressisme » social des libéraux (criminalité, immigration clandestine, registre des armes d'épaule, Forces canadiennes, relations extérieures) sans toucher aux sujets trop controversés comme l'avortement ou le mariage gai. Cette stratégie reflète un conservatisme canadien en croissance, fondé notamment sur le désillusionnement de l'État providence comme engin de réingénierie fiscale et sociale prenant le dessus sur la liberté et la responsabilité individuelle. Plusieurs Québécois ont eux aussi fini de croire au «gouvernemaman». Ils appuient, jusqu'à un certain point, l'«agenda social» des conservateurs. Mais la faible popularité des conservateurs au Québec me laisse croire que ces derniers doivent inspirer l'imaginaire et le coeur des Québécois pour les rassurer que l'avenir du Canada et du Québec est prometteur sous leur gouverne.

Adrien Pouliot

Jean Gouin

Directeur général, Fédération des médecins résidents du Québec



J'AIME LE CANADA, MAIS...



La multiethnicité canadienne ne fait pas de doute. Si nous voulons demeurer productifs, nous devons avoir une ouverture sur l'immigration, mais le gouvernement Harper referme davantage la porte. De leader en matière environnementale, le Canada en est devenu le cancre. Le Canada était un pays de paix. Il était reconnu pour ses missions de paix à l'étranger. Depuis la venue de M. Harper, le Canada donne l'image d'un belligérant prêt à en découdre avec n'importe qui. Au chapitre des affaires étrangères, le Canada avait sa politique. Maintenant, nous nous alignons sur celle des États-Unis. M. Harper n'a plus aucune hésitation à se faire des ennemis. Le Canada était davantage reconnu comme un pays social-démocrate, prenant soin de ses citoyens les plus démunis. Maintenant que le gouvernement Harper nous a placés à la droite de l'échiquier politique, un pan de la société est laissé pour compte. On a davantage l'impression d'être gouvernés par un gouvernement autoritaire pour qui la démocratie sert ses intérêts en période d'élections seulement. Le gouvernement Harper cultive le secret et écrase toute forme d'opposition. Son fameux C-38 en est la preuve flagrante. J'aime le Canada, mais... je suis inquiet de la tournure des événements.

Jean Gouin

Louis Bernard

Consultant

EN ÉTAT DE PROFONDE TRANSFORMATION

Le Canada d'aujourd'hui est dans un état de profonde transformation. Le Canada d'hier est révolu, et celui de demain encore incertain. Le Canada binational que nous avons connu a définitivement cessé d'exister aussi bien en raison de l'affaiblissement de l'héritage britannique résultant du multiculturalisme canadien que du remplacement de la nation canadienne-française par la nation québécoise. Le Québec et le Canada sont en voie de devenir, d'un point de vue sociologique et même politique, deux pays de plus en plus distincts. Le centre vital de la vie canadienne s'est également déplacé de l'Ontario vers les provinces de l'Ouest. Ce qui entraine un changement importants des valeurs à la base du pays: l'influence de la société américaine (surtout celle du Midwest) prend le pas sur l'influence exercée jusqu'alors par la culture européenne. Même la solidarité nationale à l'origine du Canada d'hier est en voie de s'effriter, comme on peut le voir dans la diminution accélérée de la redistribution de la richesse collective des provinces les plus riches vers les provinces les plus pauvres, tant en ce qui concerne les programmes conjoints que la péréquation proprement dite. Avec l'élection, pour les quatre prochaines années, du gouvernement Harper, et avec celle, probable, d'un gouvernement Marois à Québec, cette transformation en cours est même susceptible de s'accélérer. Qu'en résultera-t-il pour le Canada de demain? Cela est, pour le moment, impossible à prévoir. Mais une chose est certaine: ce Canada sera bien différent de celui que nous avons connu jusqu'ici et il risque d'être assez loin de ce qui se dessine pour la nation québécoise.

Louis Bernard

Jana Havrankova

Endocrinologue

Ô CANADA, QU'ES-TU DEVENU?

Je ne reconnais plus le Canada que j'ai choisi comme pays d'accueil. Ce Canada était admiré pour son pacifisme et la non-participation au colonialisme et aux guerres d'agression. Maintenant, le gouvernement Harper dépense sans compter pour des avions de chasse (l'utilité non démontrée) et abolit le registre des armes d'épaule (jugé utile par les forces de l'ordre). Le Canada était envié pour son souci de l'environnement : le gouvernement Harper annule les engagements de Kyoto et encourage les exploitations des sables bitumineux polluants. La politique internationale n'intéresse plus le Canada : Stephen Harper a laissé filer le siège au conseil de sécurité de l'ONU. Le Canada respectait la démocratie : le gouvernement conservateur l'a bafoué en prorogeant le Parlement deux fois plutôt qu'une. On attendait du Canada un respect de la science et de la rigueur : le recensement long a été aboli et les scientifiques du gouvernement, dont le nombre décroît, ne peuvent plus parler aux journalistes. Certains diront que la séparation du Québec constitue le remède. Je crois qu'il existe assez de forces progressistes au Canada pour que les Québécois n'aient pas à renoncer à ce pays que leurs ancêtres ont forgé. Changeons de gouvernement!

Jana Havrankova